Guerre à l’usure

Les excavatrices et convoyeurs qui travaillent dans la mine de lignite de RWE Power sont aussi énormes qu’ils sont intelligents. Et plus ils gagnent en intelligence, plus la mine est performante.

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Résumé

RWE Power est la division énergie du groupe allemand RWE et l’un des plus grands producteurs d’énergie d’Europe. Générant 30 % de la production d’électricité, il est le premier producteur d’Allemagne. En Europe, ce pourcentage est de 9 % et il occupe le troisième rang européen.
RWE Power produit de l’énergie à partir de sources d’énergie primaire comme l’atome, le lignite extrait dans ses mines à ciel ouvert (production de base), l’anthracite, le gaz et les sources renouvelables comme l’eau, le vent et la biomasse pour la production de semi-base et de pointe.
La division emploie quelque 18 000 salariés et a des filiales en Allemagne et à l’étranger. Elle génère environ trois milliards d’euros de revenus au groupe RWE.

Les excavatrices et convoyeurs qui travaillent dans la mine de lignite de RWE Power sont aussi énormes qu’ils sont intelligents. Et plus ils gagnent en intelligence, plus la mine est performante.

Si vous souhaitez visiterle village de Morschenich, près de Cologne, en Allemagne, ne tardez pas trop. Dans 20 ans, il n’existera plus. Et si vous prévoyez de vous y rendre dans 15 ans, achetez une carte : l’A4 qui passe tout près aura aussi disparu.

Ce scénario catastrophe est planifié dans le moindre détail. Village et autoroute se trouvent dans les limites de la concession de la mine de lignite de Hambach et tous deux devront reculer devant les énormes excavatrices qui dévorent déjà les alentours. Mais ils ne disparaîtront pas tout à fait : la compagnie minière, RWE Power, reconstruira le village tout près et déplacera le tracé de l’autoroute plus au sud en recréant un paysage avec lacs, fermes et forêts.

 

La compagnie d’exploitationde lignite de Rhénanie, ancienne filiale Rheinbraun du fournisseur de services aux collectivités RWE, fait maintenant partie de la division électricité de RWE, RWE Power. Elle a une grande expérience de l’exploitation minière et de la remise en valeur des sites. Tant que l’Allemagne optera pour une source d’énergie nationale, fiable et non subventionnée, les excavatrices de RWE Power continueront d’avancer. Ses trois mines à ciel ouvert en Rhénanie (Hambach, Inden et Garzweiler) produisent 100 millions de tonnes de lignite par an pour ses quatre centrales thermiques. Les convois de charbon se succèdent sur les rampes de chargement et parcourent 330 kilomètres de voies appartenant au groupe pour approvisionner les centrales. Celles-ci ont une capacité totale de 10 000 MW et fournissent un quart de l’électricité consommée dans l’État le plus peuplé d’Allemagne, la Rhénanie du Nord-Westphalie. RWE Power détient des concessions l’autorisant à creuser pendant encore 40 ans.

À Hambach, la mine s’étend actuellement sur sept kilomètres sur six. Le charbon est extrait à partir de 300 mètres de profondeur et le filon est épais de 65 mètres. Une excavatrice à godets monstrueuse extrait et dépose 40 millions de tonnes de charbon par an sur des convoyeurs qui les transportent jusqu’en tête de ligne. En amont, plusieurs pelles mécaniques installées sur les gradins déblaient la terre et le sable qui recouvrent le charbon et chargent ces morts-terrains sur des convoyeurs qui les emportent derrière le filon mis à nu. Des épandeurs gigantesques remplissent les coins dont l’exploitation est terminée. Dès que possible, la terre est recultivée afin de la stabiliser et de limiter la poussière.

Mais, d’après Bruno van den Heuvel, directeur du laboratoire d’essais au centre d’ingénierie minière de RWE Power à Habbelrath, près de Cologne, il ne s’agit pas seulement de puissance brute. « Nos machines grandissent en taille et en puissance, mais elles sont plus intelligentes. » Ces 20 dernières années ont vu l’introduction de capteurs, d’automatismes, de commandes électroniques et de systèmes de direction modernes. Tout cela a contribué à l’amélioration des performances et à la réduction des coûts.

 

L’un des principaux problèmes rencontrés par le directeur est l’usure de l’équipement : « Cette activité est une lutte permanente contre l’usure. » En première ligne, les godets des excavatrices qui s’enfoncent dans le sable ou le charbon et les hissent sur les convoyeurs. Ils sont équipés d’une dent défonceuse qui mord la surface du sol. Jusqu’au milieu des années 1980, les godets devaient être remplacés au bout de 250 000 m³ de
matériaux excavés. À cette époque, les nouvelles
techniques de soudage ont permis de recouvrir ces dents d’un revêtement de carbure de chrome. Dix ans plus tard, de nouveaux progrès l’ont fait remplacer par le carbure de tungstène qui a porté la durée de vie des godets à 650 000 m³. « Personne ne savait comment
recouvrir des surfaces aussi importantes d’épaisses
couches de carbure de tungstène, mais nous avons
appris à nous servir du soudage plasma à arc transféré qui permet des paramètres de soudage très précis. » Au lieu de 2 400 fois par an les dents et les bords des godets ne sont plus renouvelés que 800 fois aujourd’hui.

Le laboratoire de Bruno van den Heuvel, qui emploie 45 salariés, a pour mission d’améliorer les performances et de faire faire des économies à RWE Power. Ce service est parvenu à réduire de 6 % les coûts de maintenance en changeant la composition du caoutchouc du tapis des convoyeurs. Grâce à la maintenance conditionnelle et aux essais non destructifs, il peut s’assurer que les opérations de maintenance ont lieu lorsqu’elles sont nécessaires, ni avant, ni après. Il est aussi spécialisé dans la recherche-développement pour les 500 kilomètres de convoyeurs, larges de 2,8 m, qui composent l’épine dorsale et les tentacules du système, ainsi que pour la technologie des trous de sonde grâce à laquelle il contrôle le niveau de la nappe phréatique.

 

À part les trous de sonde,presque tout le travail du service porte sur des pièces mobiles et, par conséquent, des roulements. Grâce aux techniques de contrôle des vibrations et des températures, l’équipe tente d’identifier les problèmes avant que ceux-ci prennent de l’ampleur. Le personnel fait régulièrement le tour des mines en quête d’irrégularités dans le fonctionnement des convoyeurs ou de bruits suspects émis par les roulements. Ceux-ci sont parfois retirés pour être testés, mais ils ne sont plus démontés, explique le directeur, depuis qu’on peut déceler une avarie en examinant les fréquences dans les rapports de maintenance conditionnelle.

RWE Power a coopéré étroitement avec SKF sur plusieurs projets pour accroître les performances, mais, selon Bruno van den Heuvel, « la plupart des avaries ne sont pas dues aux roulements, mais à un problème dans leur environnement. » Ainsi, les deux partenaires ont travaillé ensemble sur les 600 000 rouleaux des convoyeurs. Cette étude a débouché sur l’amélioration de la conception des rouleaux et des joints d’étanchéité, mais les roulements sont restés les mêmes. Ces changements ont entraîné une réduction du bruit des rouleaux, le bruit étant l’une des questions liées au cadre de travail privilégiées par RWE Power. Dans un projet similaire, SKF aide son partenaire à améliorer les performances à l’aide des Magic Rollers SKF qui mesurent les charges (voir encadré page 34).

Les Allemands sont peut-être réticents à l’idée de vivre tout près des mines à ciel ouvert de RWE Power, mais aucun d’eux ne dit non à l’électricité produite par le groupe. Tandis que les excavatrices rongent lentement le paysage, les opérateurs veillent à contrarier le moins de citoyens possible. Le pivot de cet effort et de celui visant à permettre à cette forme d’énergie non subventionnée de rester concurrentielle est la maintenance et l’évolution des machines.


 À l’intérieur du roulement

Le Magic Roller SKF est un moyen intelligent de découvrir ce qui se passe à l’intérieur d’un roulement, information utile aux techniciens à la recherche des meilleures conditions de fonctionnement possible pour un roulement. SKF a installé des Magic Rollers dans deux roulements supportant le tambour moteur d’un convoyeur de la société RWE Power. Équipé d’un capteur qui mesure les charges, le MagicRoller SKF remplace un rouleau ordinaire et communique les mesures par signaux radio à un ordinateur portable tout proche. SKF évalue les données et fait un compte rendu à RWE Power.

SKF utilise aussi la méthode des éléments finis pour déterminer si la modification des roulements et de leurs paliers améliorerait leurs performances. Les données recueillies par le Magic Roller SKF permettent de comparer les résultats de la modélisation informatique avec la réalité et d’affiner la précision des prévisions du modèle. Selon Bruno van den Heuvel, directeur du laboratoire d’essais du centre d’ingénierie minière de RWE Power à Habbelrath, en Allemagne, l’un des objectifs est de vérifier si les paliers doivent être aussi gros. En fonction des résultats, on peut diminuer leur taille et faire des économies. Bruno van den Heuvel indique que le but de ces essais, ainsi que celui du travail de ses collaborateurs, est de faire un bilan des performances des systèmes et de les améliorer quand c’est possible. Il ne tarit pas d’éloges sur la contribution de SKF : « SKF a envie de nous aider à progresser sur le plan technique même si consécutivement nous lui achetons moins de roulements ou choisissons des modèles moins onéreux. »