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Le gaspillage en horreur

Michael Biddle a créé une entreprise qui prospère en récupérant le plastique et en valorisant les objets mis au rebut.

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Résumé

Michael Biddle
Résidence : Louisville, dans le Kentucky.
Âge : 57 ans.
Situation familiale : son épouse, une fille de 12 ans et un fils de 8 ans.
Formation : doctorat en science macromoléculaire à l’université Case Western Reserve (Cleveland) et une maîtrise de science du management de l’université Stanford.
Son livre de chevet actuel : How Will you Measure Your Life? de Clayton Christensen.
Prochain défi : prendre d’assaut les plus grandes « mines » de plastique au monde, en Amérique du Nord.

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MBA Polymers

Fondateur d’une multinationale de grande envergure qui récupère les matériaux des déchets des consommateurs, Michael Biddle s’autoproclame « mineur de surface ». À l’origine de sa réussite, l’idée que le plastique prélevé dans tous les flux récurrents de biens de consommation complexes peut être transformé en matière première de qualité. « Je pense que nous avons, pour la plupart, un rapport amour-haine avec le plastique. Je n’aime pas le gaspillage, qu’il s’agisse des ressources, du temps ou des gens. Donc, boucler la boucle est ma manière de le combattre. »

Les volumes traités par l’industrie du recyclage augmentent constamment, mais, par rapport au métal et au papier, le plastique ne représente qu’une petite fraction du total : moins de 10 % de tout le plastique utilisé dans le monde est valorisé. « Le problème fondamental avec le plastique est que chaque appareil – ordinateur, téléphone ou cafetière – contient cinq types de plastique ou plus, dotés chacun de propriétés différentes, et bien d’autres matériaux. Il faut d’abord séparer les matériaux non plastiques des plastiques, puis trier ces derniers. C’est cette dernière étape qui est particulièrement ardue. »

Le siège et le laboratoire de recherche de son entreprise, MBA Polymers, sont à Richmond, en Californie. Il possède des usines en Autriche, au Royaume-Uni et en Chine, lesquelles vendent du plastique recyclé aux plus grandes multinationales dont Electrolux, Philips et Nestlé.

Les origines de MBA Polymers sont presque banales. Tout commence il y a 20 ans dans un garage de la baie de San Francisco, aux États-Unis. C’est là que Michael Biddle, armé d’un business plan et d’une aide financière à la recherche accordée par l’American Plastics Council, commence à faire des expériences sur un tas d’objets mis au rebut.

Tout d’abord, il doit trouver une méthode efficace pour déchiqueter en morceaux ordinateurs, pièces d’automobile ou aspirateurs, afin d’isoler les multiples matériaux qui les constituent. Ensuite, il s’agit de séparer le caoutchouc, le bois, les fibres, la mousse, le textile, le verre, les graviers, l’aluminium ou le métal du plastique (certains de ces matériaux, tels que le métal et le caoutchouc, peuvent être mis de côté et vendus à d’autres recycleurs ; les autres sont mis en décharge ou transformés en énergie). « C’est à ce moment-là que ça ressemble à l’activité minière. Extraire ce que l’on veut d’un aspirateur mis en pièces n’est pas bien différent d’isoler un minéral parmi d’autres dans une roche. »

Penser comme un mineur lui permet de progresser par empirisme dans son garage avant de concevoir une petite ligne de production prototype composée de tout un fatras d’équipements « récupérés » à Berkeley, en Californie.

La principale difficulté consiste alors à trouver une méthode pour trier les plastiques par type et par qualité. « À cette étape de mes recherches, j’avais des tas de morceaux de plastique de cette taille », dit-il en pointant l’un de ses ongles.

Les plastiques ont des caractéristiques communes (densité, couleur, propriétés électriques et magnétiques) qui semblent rendre leur tri impossible. Néanmoins, MBA Polymers a réussi à mettre au point un process très automatisé, protégé par des brevets et des secrets industriels, pour séparer les morceaux d’abord par type et par qualité, puis par couleur grâce à un système optique.

Dans sa toute dernière usine dans le comté de Nottingham, au Royaume-Uni, il faut moins d’une heure pour transformer un aspirateur mis au rebut en granulés de valeur variée. Michael Biddle est plutôt fier du fait que les méthodes de MBA n’exigent pas d’ajouter aux plastiques des matières premières vierges ou relativement pures, un procédé courant pour relever le niveau de pureté des produits en plastique recyclé. « C’est plutôt facile de séparer les plastiques d’autres matériaux pour atteindre 75 % de pureté. En revanche, atteindre un niveau de 90 % est vraiment compliqué et c’est presque impossible d’atteindre un degré de pureté capable de remplacer le plastique neuf. Mais nous y sommes parvenus. »

Le chef d’entreprise avoue que MBA a du mal à rivaliser avec les plasturgistes sur le plan tarifaire. « À l’heure actuelle, nos produits peuvent être parfois plus onéreux. Cela dépend du cahier des charges du client, en particulier, dans le cas de coloris difficiles à reproduire. Mais nos clients comprennent l’importance de réduire leur empreinte carbone et d’adopter une chaîne d’approvisionnement plus écologique. »

Pour ce qui est du développement durable, les marques d’estime ne manquent pas. Michael Biddle est membre du conseil d’administration du Worldwatch Institute et de l’Electronic Product Environmental Assessment Tool (EPEAT), un label accordé aux produits électroniques plus respectueux de l’environnement. Il est également lauréat du prix du développement durable 2012 de la ville de Göteborg (voir encadré).

Il est néanmoins une chose qui ne semble pas durable chez lui, c’est son emploi du temps. Il partage son temps entre le laboratoire de recherche de MBA Polymers en Californie où il vit avec sa famille et les usines de recyclage en Chine, en Autriche et au Royaume-Uni. « Parcourir la planète n’est pas très écologique, mais j’essaye de compenser par d’autres moyens. Aussi souvent que possible, je vais au travail, à des réunions et faire des courses en vélo. Et je suis l’un de rares parents à obliger ses enfants à aller à l’école en deux-roues et probablement l’un des rares du quartier à étendre le linge dehors. »


Le prix

Le prix du développement durable de la ville de Göteborg récompense et soutient les travaux en faveur du développement durable. Il est accompagné d’un chèque d’un million de couronnes (117 000 euros) et est administré et financé par la municipalité de Göteborg et 12 entreprises, dont SKF. Son lauréat est élu par un jury indépendant. En 2012, Michael Biddles a partagé ce prix avec Björn Söderberg, chef d’entreprises au Népal qui crée des emplois et contribue à la sensibilisation aux cycles naturels.