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La puissance de Magnus

La puissance de Magnus

Les moyens de reverdir le blason du secteur du transport maritime tout en maintenant sa rentabilité sont peu nombreux. L’un d’eux consiste à optimiser les moteurs et la coque en vue de réduire la traînée et d’améliorer le rendement énergétique. Un autre est d’adjoindre l’énergie éolienne à ce cocktail.

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L’entreprise finlandaise Norsepower fabrique des turbovoiles auxiliaires aux allures futuristes que l’on peut dresser sur le pont d’un navire pour contribuer à sa propulsion quand il y a du vent. Depuis sa création en 2012, cette jeune pousse qui emploie sept ingénieurs a revisité le principe séculaire de la traînée et de la portance qui permet aux avions de voler. Ce faisant, elle a remporté plusieurs prix de l’innovation et signé des contrats avec certaines des plus grandes compagnies de transport maritime.
          

« Le transport maritime est sommé d’être moins polluant en réduisant ses émissions de CO2 dans le monde entier », indique Tuomas Riski, PDG de Norsepower dont le siège est à Helsinki, en Finlande. Cet ex-cadre du secteur informatique a fondé cette entreprise avec un groupe d’experts du secteur maritime, dont Kai Levander, l’un des plus prééminents architectes navals mondiaux. « Notre technologie de propulsion hybride auxiliaire est l’un des leviers pour y parvenir. »

Notre principal objectif est de poursuivre la rapide commercialisation de cette technologie.
PDG de Norsepower dont le siège est à Helsinki, en Finlande

Maersk Tankers, l’un des grands armateurs de la planète, Shell Shipping & Maritime et l’Energy Technologies Institute de Grande-Bretagne ont récemment annoncé ensemble qu’ils allaient tester deux turbovoiles, de 30 m de haut et 5 m de large, sur un tanker de 110 000 tonnes de port en lourd dans l’espoir d’économiser environ 10 % de carburant. Cette installation sera la plus grande effectuée par Norsepower à ce jour et les essais auront lieu en 2019. Cet accord fait suite à deux autres déjà inclus dans les références de l’entreprise et concernant un roulier en mer du Nord et un ferry en mer Baltique. « C’est une avancée majeure pour notre secteur, estime Tuomas Riski, lui-même passionné de navigation. Le contrat passé avec Maersk est un projet complexe et ambitieux. Nous avons montré que nous pouvons y arriver avec notre technologie brevetée, simple, robuste tout en étant pointue. »

Norsepower

  • Norsepower est un éminent fournisseur de systèmes auxiliaires de propulsion éolienne informatisés et nécessitant peu de maintenance.
  • L’entreprise existe depuis 2012.
  • Son siège social est à Helsinki, en Finlande.
  • Elle a engrangé près de 10 millions d’euros de financement, permettant ainsi le développement, l’application et la commercialisation de sa Rotor Sail.
    norsepower.com
Tuomas Riski
Tuomas Riski, PDG de Norsepower.

Une solution SKF au sommet

Une Rotor Sail Norsepower tourne à environ 200 tr/min. Dans des conditions de vent favorables, la vitesse périphérique de sa paroi extérieure en composite s’élève à quelque 170 km/h. Au sommet du cylindre, un montage comprenant des roulements à rotule sur rouleaux SKF sert à transmettre la force de poussée au navire. La base du cylindre est munie de rouleaux de guidage munis de roulements SKF. Toute l’installation est équipée de joints et systèmes de lubrification SKF, lesquels doivent résister à un mouvement constant et à des forces naturelles s’exerçant dans un milieu hostile.

« Nous sommes souvent contactés par de jeunes pousses plusieurs années avant même que leur projet soit commercialisable, explique Tommi Pitkaaho, responsable grands comptes chez SKF Finlande et en contact avec Norsepower depuis 2013. Dans ce cas, nous avons volontiers proposé notre expertise spécialisée. Avec Norsepower, le projet s’est développé à un rythme extrêmement soutenu. »

La solution de turbovoile de Norsepower se compose d’un grand cylindre rotatif léger en matériau composite, dressé sur la superstructure du navire à l’instar d’un mât. Au lieu de déployer une immense voile en toile pour capter le vent et propulser le bateau en avant, ce système novateur fait tourner le grand cylindre perpendiculaire à l’aide de moteurs électriques. Quand il y a du vent, comme c’est souvent le cas sur les routes maritimes internationales, l’effet aérodynamique de la différence de pression de l’air autour du cylindre crée la poussée qui est alors transmise au navire.

En termes de physique, le système Rotor Sail de Norsepower est quelque peu contraire au sens commun en ce qu’il ne suit pas le même principe de fonctionnement qu’une éolienne ou une voile, que le vent pousse littéralement. Il a besoin d’électricité pour impulser un mouvement de rotation là où le vent peut créer la situation de basse pression-haute pression qui est à l’origine de la poussée.

La solution de Norsepower convient à la plupart des navires à l’exception des porte-conteneurs, précise Tuomas Riski. Les navires-citernes et les vraquiers peuvent installer une turbovoile Norsepower en quelques jours.

L’effet Magnus
L’effet Magnus, c’est le courant d’air qui entoure un objet en rotation.

Le phénomène naturel exploité par Norsepower est un principe dénommé « effet Magnus », du nom du physicien allemand Heinrich Gustav Magnus, lequel a été le premier à décrire mathématiquement en 1852 le courant d’air qui entoure un objet en rotation, comme une balle de ­tennis par exemple. La force de portance de l’effet Magnus dans ce qu’on appelle aujourd’hui un rotor Flettner a été adoptée comme mode de propulsion principal par le Buckau, un navire à rotors qui a traversé l’Atlantique en 1926. Une partie de la paternité de cette technologie revient également à l’ingénieur finlandais Sigurd Savonius qui, en 1924, a créé et donné son nom à un rotor doté d’un cylindre ouvert à l’écoulement de l’air.

Mais, explique Tuomas Riski, l’avènement des moteurs diesels à bas prix n’a pas permis la diffusion de cette technologie à base de rotors. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’elle trouve toute sa viabilité économique. « S’il s’était agi du secteur automobile, cette solution aurait été adoptée du jour au lendemain. Pour intéresser les armateurs, nous l’avons rendue aussi simple à utiliser et aussi économiquement accessible que possible. »

Dans les grandes lignes, Rotor Sail permet aux navires équipés d’activer le système en appuyant sur un simple bouton et de réduire la puissance des moteurs principaux, économisant ainsi du carburant et rejetant moins d’émissions tout en fournissant suffisamment de puissance pour conserver la même allure et durée de parcours. Il faut toutefois qu’il y ait du vent.

La turbovoile sert uniquement de mode de propulsion auxiliaire dans le but de diminuer la consommation de carburant d’origine fossile et les émissions. Le retour sur investissement attendu d’une installation de ce type sur un navire est d’environ quatre ans, estime Tuomas Riski.

Si Norsepower peut aujourd’hui mettre en avant des références reconnues, l’entreprise a bénéficié d’un peu d’aide en chemin et remporté une flopée de prix de l’innovation technologique. « Nous sommes une petite équipe appuyée par un réseau international de fournisseurs. Notre principal objectif est de poursuivre la rapide commercialisation de cette technologie. »