Compétences en ingénierie

Sélection naturelle

La naturaliste Janine Benyus a contribué à faire avancer le biomimétisme. Selon elle, l’étude et la transposition de formes, modèles et systèmes existant dans la nature peuvent apporter au genre humain des solutions à de nombreux problèmes techniques.

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En bref

Janine Benyus

Date de naissance : en 1958, dans le New Jersey, aux USA.

Carrière : co-fondatrice et membre du conseil d’administration de Biomimicry 3.8, présidente du Biomimicry Institute, enseignante d’écriture interprétative à l’université du Montana.

Formation : gestion des ressources naturelles, littérature anglaise et écriture créative à l’université Rutgers dans le New Jersey.

Loisirs : aviron, ski, randonnée, vélo et collectionner du mobilier design danois d’époque.

Ouvrages : Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables (2011), Beastly Behaviors: A Zoo Lover’s Companion (1993), Northwoods Wildlife: A Watcher’s Guide to Habitats (1989), etc..

Prix et récompense : le prix du développement durable de la ville de Göteborg 2013 (co-parrainé par SKF), le prix Heinz 2012, le prix Champion de la Terre (science et innovation) du programme des Nations unies pour l’environnement 2009, etc.. En 2008, le magazine Time l’a élue « Hero of the Planet ».

Liens apparentés

Biomimicry 3.8

 

L’intérêt de Janine Benyus pour la nature – et l’inspiration qu’on pouvait en tirer – a commencé très tôt.

Pionnière dans le domaine du biomimétisme (l’adaptation de concepts trouvés dans la nature aux besoins des êtres humains), elle déclare avoir été, enfant, « une fana de la nature » et avoir été passionnée d’observation. À 12 ans, elle se rendait souvent dans un pré proche du domicile parental dans une ville de banlieue du New Jersey, aux États-Unis, pour dessiner et répertorier la faune et la flore qu’elle pouvait y apercevoir.

Son point de vue sur notre relation à la nature bascule du tout au tout le jour où elle découvre que son pré est bordé de drapeaux orange annonçant l’apparition prochaine d’un chantier.
« Quand on interroge les personnes actives dans le domaine du développement durable, on entend souvent la même histoire de privation. Cette expérience a été plutôt formatrice dans mon cas. »

La perte de sa chère prairie lui permet de décider dans quelle direction elle souhaite s’engager. « Je voulais d’une manière ou d’une autre transmettre aux autres ma passion pour le monde naturel. »

Après le lycée, elle enchaîne des études de science forestière et de littérature anglaise et écriture créative. Elle parvient à concilier ses deux centres d’intérêt dans un stage au service des forêts du département américain de l’Agriculture.

Une fois ses diplômes en poche, elle consigne ses connaissances dans trois ouvrages très remarqués sur la faune et la flore d’Amérique du Nord ainsi qu’un livre sur le comportement animal.

Au cours des recherches qu’elle entreprend pour ses écrits, elle se passionne pour le contexte et les moyens mis en œuvre par les animaux et les plantes pour s’adapter et s’épanouir dans différents types d’habitat. « J’ai été emballée par l’adaptation en général. Elle peut tout aussi bien porter sur ce qui permet à un dromadaire de stocker de l’eau que sur le mécanisme à l’origine du transfert de chaleur dans les pattes d’un manchot. »

À la même époque, elle commence à compiler tous les articles scientifiques touchant à l’imitation des procédés de la nature par l’Homme. Exemple : les recherches du biologiste Frank Fish qui avait constaté qu’en reproduisant les tubercules des nageoires d’une baleine à bosse sur les ailes d’un avion, on réduisait la traînée de 32 %.

Les résultats de ses propres travaux démontrent qu’il existe de nombreuses autres possibilités d’adapter des inventions de la nature. Cette constatation l’amène à publier en 1997 son livre Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables (sorti en 2011 en France).

À ses yeux, le biomimétisme repose sur le concept suivant : une grande partie des problèmes de conception et d’ingénierie rencontrés par les hommes ressemblent fort à ceux auxquels ont été confrontés de multiples formes de vie évoluant sur la Terre depuis sa formation il y a quelque 3,8 milliards d’années. Au fil du temps, la nature a trouvé des solutions efficaces et performantes à de nombreux problèmes. « (le biomimétisme), c’est apprendre de la nature et imiter ses stratégies et concepts éprouvés afin de résoudre les problèmes des êtres humains. »

Elle affirme qu’on ne compte plus les exemples d’applications réussies du biomimétisme. Ainsi, une entreprise s’est servie du procédé utilisé par les barrières de corail pour durcir leurs squelettes en vue de créer un ciment séquestrant une demi-tonne de CO2 pour chaque tonne de béton fabriqué.

Autre exemple : les étudiants du California Institute of Technology ont étudié et répliqué les tourbillons consécutifs au déplacement des bancs de poissons pour concevoir des parcs éoliens à axe vertical. Ceux-ci produiraient dix fois plus d’électricité que les parcs éoliens traditionnels.

Les entreprises ont montré un vif intérêt pour son livre.  Boeing, General Electric et Nike, entre autres, lui ont demandé de leur rendre visite et d’apporter « le point de vue d’un biologiste au stade de l’étude ».

La scientifique ne disposait pas des ressources nécessaires. Elle a donc créé en coopération avec une doctorante un cabinet-conseil en biologie, Biomimicry 3.8. Celui-ci s’appuie aujourd’hui sur un réseau international de consultants et a collaboré avec près de 250 clients à ce jour. Le 3.8 (3,8 en français) de sa dénomination fait référence au nombre de milliard d’années d’existence de la vie sur la Terre.

Le biomimétisme est de plus en plus accepté et reconnu. Plus de 10 000 scientifiques font des recherches dans ce domaine et trois revues lui sont consacrées. Il existe déjà une trentaine de réseaux régionaux dédiés à la discipline dans le monde entier. En 2012, quelque 1 800 articles scientifiques ont été publiés et 67 brevets accordés.

« Nous allons de l’avant. Ce n’est pas si farfelu d’imaginer un biologiste dans chaque bureau d’étude. C’est même une très bonne idée et elle commence à être acceptée. »