Entrée en matière

Les scientifiques américains ont rendez-vous au nouveau centre de neutronique de l’Oak Ridge National Laboratory pour étudier la matière dans sa plus petite expression.

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Résumé

L’Oak Ridge National Laboratory est un laboratoire scientifique et technologique placé sous la tutelle du ministère américain de l’Énergie. Scientifiques et ingénieurs y font de la recherche fondamentale et appliquée débouchant sur des connaissances scientifiques et des solutions technologiques permettant de développer les compétences dans des domaines scientifiques clés, d’augmenter la disponibilité d’une énergie propre et abondante, de restaurer et protéger l’environnement, et de contribuer à la sécurité.
Source de neutrons produits par réacteur, la Spalliation Neutron Source est en cours de construction à Oak Ridge. Les travaux devraient s’achever en 2006.

Les scientifiques américains ont rendez-vous au nouveau centre de neutronique de l’Oak Ridge National Laboratory pour étudier la matière dans sa plus petite expression.

Au creux descollines ondulantes de l’est du Tennessee, entre petites villes et grandes rivières, s’est niché l’un des plus célèbres laboratoires de recherche de l’histoire, l’Oak Ridge national Laboratory, qui a servi secrètement à développer l’arme atomique pendant la Seconde Guerre mondiale. Bientôt ce géant paisible sera aussi célèbre pour être la plus puissante source de neutrons du monde, un centre de recherche public où l’on devrait faire des découvertes de pointe à un rythme inégalé. La Spallation Neutron Source (SNS) est le fruit de la coopération de six institutions dépendantes du ministère américain de l’Énergie (les laboratoires nationaux d’Argonne, Brookhaven, Jefferson, Lawrence Berkeley, Los Alamos et Oak Ridge), qui y mèneront toutes des projets d’étude.

« Nous tablons sur 2 000 utilisateurs externes chaque année, confie John Ankner, responsable d’appareil à Oak Ridge. Les universitaires et les collaborateurs des autres laboratoires nationaux pourront déposer un dossier dont la pertinence scientifique sera examinée par leurs collègues. Des créneaux horaires seront accordés pour les 24 appareils qui seront considérés comme des ressources publiques. »

Grâce à l’étude des neutrons qui permet aux scientifiques de mieux connaître l’atome et la matière, on a amélioré bien des matériaux et donc des produits, du plastique aux pare-brises en passant par les avions, les gilets pare-balles… On a fait aussi des découvertes en médecine (nucléaire), notamment les radio-isotopes. Depuis les années 1940, on se sert de réacteurs pour produire les neutrons, mais les accélérateurs sont les instruments de demain. En bombardant une cible avec des particules accélérées (la spallation), on crée une réaction source de flux de neutrons. « Depuis 1960, on n’a pas beaucoup avancé en matière de technologies de sources de neutrons par réacteur, reprend John Ankner. Comme les réacteurs chauffent beaucoup, leur production de neutrons est limitée. La spallation est dix à quinze fois plus efficace. La prochaine génération pourra produire un flux 10 à 100 fois supérieur de neutrons utiles.

– Nous espérons qu’une fois qu’on pourra obtenir ce type de puissance, on verra plus vite plus de choses et qu’on fera des découvertes inconcevables auparavant. »

Le tout nouveau SNS est bâti au sommet de la colline Chestnut Ridge. Un immeuble de bureaux de quatre étages en verre, acier et béton, s’étale en arc de cercle devant le site de la chambre cible. La fin des travaux est prévue en avril 2006. Les scientifiques et le personnel administratif ont aménagé il y a un an déjà dans le bâtiment baptisé CLO (Central Laboratory and Office).

« C’est le plus bel endroit où j’ai jamais travaillé », indique John Ankner, qui est arrivé il y a deux ans en provenance du laboratoire national d’Argonne, près de Chicago. « C’est vraiment un privilège. L’immeuble lui-même est un petit bijou d’architecture. »

Une passerelle mène à la chambre cible où les protons libèreront les neutrons. L’accélérateur linéaire s’étale dans un long tunnel qui part sur la gauche et passe devant quatre petites tours de refroidissement. La consommation d’électricité, nécessaire pour propulser les protons depuis le bâtiment de l’injecteur en amont à une vitesse proche de celle de la lumière, est telle que le site a besoin de sa propre centrale électrique. Les protons se précipiteront dans un anneau de stockage puis seront bombardés sur une cible de mercure liquide. Tels les rayons du soleil, les neutrons s’éparpilleront dans 18 lignes de lumière.

Celles-ci sont de longueurs différentes. Chacune est conçue pour fournir des rayons neutroniques sur mesure destinés à des champs d’étude spécifiques. Les lignes de lumière sont équipées de « choppers » (hacheurs), des instruments mécaniques qui permettent aux neutrons sélectionnés d’arriver à leur destination finale, le détecteur, où les scientifiques les recueilleront.

La fiabilité et la productivité de la SNS reposent en partie sur les choppers SKF mis en lévitation par des paliers magnétiques. Ces choppers sont essentiellement sans entretien, ce qui élimine les opérations d’entretien longues et potentiellement dangereuses nécessaires tous les deux ans. « Je suis obligé de retirer tous les choppers non magnétiques et équipés de paliers standards tous les deux ans pour maintenance », confirme Bill McHargue, responsable choppers de la division Installations expérimentales de la SNS.

Les lignes de lumière seront enterrées dans un coffrage en béton, acier et autres matériaux résistants. Ce coffrage occupe beaucoup de place et le nombre des lignes de lumière rende toute manipulation difficile. Une grue de 30 tonnes soulèvera des segments de galerie pour faciliter l’accès aux choppers. Ceux-ci doivent passer 10 à 15 jours en quarantaine avant toute intervention humaine. Voilà pourquoi la fiabilité revêt une importance toute particulière. « C’est une technologie supérieure et le prolongement de la durée de vie des paliers magnétiques par l’absence d’usure est tout à fait intéressant, explique John Ankner. Les opérations d’entretien devront faire l’objet de beaucoup de précaution pour éviter toute exposition aux radiations. Aucun risque tant qu’on ne soulève pas le couvercle. »

 

Les chopperssont conçus sur mesure pour répondre aux cahiers des charges des scientifiques établis en fonction des applications de leur choix. La taille des fentes et fenêtres par lesquelles passent les neutrons peut être modifiée sur chaque chopper. Chacun peut être revêtu de matériaux différents pour contrôler l’absorption et la filtration des neutrons. La plupart des lignes de lumière sont équipées de deux à quatre choppers qui sont synchronisés pour transmettre les neutrons sélectionnés en aval.

La ligne de lumière n° 6, un scanner à angle réduit, étudiera les agrégats atomiques et moléculaires (polymères), les domaines magnétiques et toutes sortes de structures à nanoéchelle. « Les agrégats biologiques comme les complexes ADN-protéines, les fibres musculaires et les protéines incrustées dans les membranes des cellules sont des champs d’étude particulièrement importants, souligne John Ankner. Mesurer la structure de ces ensembles sous diverses températures et conditions chimiques nous aide à comprendre les fonctions virale et bactérienne, les processus métaboliques et l’action des composés pharmaceutiques.

Le spectromètre à rétrodiffusion de la ligne de lumière n° 2 mesurera l’excitation de la matière. « La manière dont les choses fonctionnent dépend en partie de la façon dont elles sont assemblées, mais la manière dont elles réagissent intérieurement est tout aussi importante, affirme John Ankner. Nous serons capables de regarder à l’intérieur des matériaux et d’observer les mouvements atomiques liés à la chimie et à la catalyse pour voir comment les choses fonctionnent dans des matériaux naturels et artificiels : gaz, toxines, plastique… »

 

Le responsable d’appareilajoute que l’étude des neutrons peut être particulièrement utile pour les matériaux magnétiques et les composés contenant de l’hydrogène dont les applications diverses sont les ordinateurs, le développement des vaccins et médicaments et la conception de nouveaux plastiques. « Après 40 ans de pénurie de neutrons, nous avons enfin cette occasion en or d’associer des instruments performants à une hausse radicale de la source d’approvisionnement. Nous aurons à notre disposition plus de neutrons que nous n’avons jamais eu afin de pouvoir découvrir ce qui existe déjà mais que nous ne pouvons pas encore voir.

– Nous sommes un site créateur de connaissances. »


Aux commandes

Grâce au contrôle de phase très précis des choppers (hacheurs) SKF, les utilisateurs savent exactement quand les charges utiles ou les disques sont en rotation. La vitesse et la rotation de l’arbre sont commandées et réglées à volonté.

Autre avantage des choppers SKF, leur régulateur est très compact. Haut de 9 cm et d’une longueur de 48 cm, le régulateur MB350 PC/R intègre la commande de la lévitation magnétique, l’électronique de puissance et l’entraînement du moteur. Le système de commande du chopper et du moteur est simple grâce à un système de communication en temps réel, convivial pour l’utilisateur.

Une fois les lignes de lumière terminées, la Spallation Neutron Source (SNS) pourra exploiter de 50 à 60 choppers. « SKF propose une option très intéressante », indique Bill McHargue, responsable choppers de la division Installations expérimentales de la SNS.

Trois des choppers SKF serviront au diffractomètre à haute pression SNAP qui permettra d’étudier les problèmes géologiques en simulant des pressions élevées semblables à celles du centre de la Terre afin de prédire le comportement des minéraux sous pression. Ces connaissances contribueront peut-être à en savoir plus sur l’intensité et la fréquence des tremblements de terre.