Gagner ? Quelle affaire !

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L’argent et le sport font bon ménage depuis des siècles. On ne manque ni de l’un, ni de l’autre en ce moment, mais ceux qui investissent dans le second veulent des résultats.

Le hasard veut que ce soit en Chine, pays organisateur des 29e Jeux en août, que l’on ait trouvé les premières preuves d’activité sportive, datées entre 10 000 et 4 000 avant notre ère. En fait, il est fort probable que des activités de même nature soient encore plus lointaines, car on peut admirer des scènes représentant des concours de chasse et des préparatifs de guerre sur les parois des grottes de ce qui est aujourd’hui l’Europe. Les témoignages retrouvés en Chine montrent qu’à cette époque, on s’adonnait déjà à l’exercice physique pour garder la forme. Les haltères, le tir à l’arc et la gymnastique sont tous des sports antiques chinois, et ces actes d’endurance ont vite fait l’objet de compétitions organisées. Puis vint une motivation supplémentaire sous la forme d’une récompense pécuniaire remise au plus performant ou la possibilité pour les spectateurs de parier sur les résultats. Même les athlètes de l’Antiquité pouvaient s’enrichir. L’écrivain grec Plutarque a noté que les premiers champions olympiques recevaient une prime de 500 drachmes, une petite fortune en 600 avant notre ère. Et rien ne démontrait autant la puissance d’un souverain ou d’un État que l’engloutissement de sommes colossales dans l’organisation de manifestations sportives ou la construction d’édifices où divertir le peuple. Depuis près de 2 000 ans, le Colisée de Rome est la preuve concrète que sport et argent sont, peu s’en faut, inextricablement liés.

Car depuis que le sport existe, il y a des actifs, mais aussi des spectateurs. Le Colisée pouvait en accueillir 50 000. C’est cependant la télévision qui a vraiment popularisé le sport et entraîné, avec elle, la montée en flèche de ses coûts. Les Jeux olympiques de Berlin en 1936 ont été la première manifestation sportive télévisée alors que les téléviseurs n’existaient pas encore en tant que tels (les organisateurs avaient fait installer des écrans géants dans des salles). Trois ans plus tard, on avait déjà retransmis Wimbledon, un match de rugby et le premier match de base-ball au niveau universitaire.

Tout au long des années 1960, les caméras se sont perfectionnées, puis ce fut l’avènement de la télévision en couleur. De nouvelles disciplines grand public ont vu le jour grâce à la télévision, les fléchettes et le billard, par exemple. L’amélioration de la qualité de la retransmission a attiré l’intérêt des publicitaires et a fait grimper le prix des spots. En 2006, le Mondial de football a été suivi par plus de 700 millions de téléspectateurs, selon les estimations. Aux USA, la finale du championnat de football américain, le Super Bowl, est l’un des programmes les plus regardés de l’année ; en 2007, un message publicitaire de 30 secondes diffusé pendant le match coûtait, dit-on, 2,6 millions de dollars US.

Autant il est facile de deviner ce que cela peut rapporter aux compétiteurs, autant peut-on se demander ce qu’un éventuel sponsor en retire. La Lloyds TSB Bank, l’une des plus grosses banques de Grande-Bretagne, est l’un des principaux sponsors nationaux des Jeux de Londres qui auront lieu en 2012. En échange de sa mise de fonds (qui, selon Sally Hancock, responsable du parrainage des Jeux de Londres auprès de la banque, représente moins de 10 % des dépenses de marketing sur cinq à six ans), elle détiendra les droits, dans la catégorie banques et assurances, de Team GB (l’équipe olympique du Royaume-Uni) et Paralympic GB pour les Jeux de Pékin en 2008 et ceux d’hiver de Vancouver en 2010, ainsi que les droits exclusifs pour les Jeux de 2012. Les occasions de mieux faire connaître la marque ne manqueront pas et la banque participera également à la promotion des billets lorsque ceux-ci seront mis en vente en 2011. En outre, elle peut déjà utiliser la marque officielle London 2012 Olympic Games dans ses activités de marketing.

« Il y a une logique d’affaires affirmée derrière notre investissement, insiste Sally Hancock. Nous voulons être perçus comme le meilleur prestataire de services financiers du Royaume-Uni et les Jeux de Londres sont un catalyseur pour y parvenir. » L’opération donnera-t-elle les résultats escomptés ? Lloyds TSB a déjà parrainé le Tournoi des six nations et la coupe du monde de rugby qui, d’après Sally Hancock, ont énormément contribué à renforcer l’image de la banque auprès du public cible à l’époque. Cette fois, la banque ne laisse rien au hasard et a mis en place une structure pour évaluer les retombées de son association avec les Jeux auprès de ses clients et clients potentiels. En ce qui concerne le business du sport, elle aspire à gagner.


L’argent et les sportifs

L’époque où l’important, c’était de participer, pour paraphraser Pierre de Coubertin, est révolue. Les sportifs actuels ont un œil rivé sur la ligne d’arrivée et l’autre sur le solde de leur compte bancaire. Rien ne stimule autant la lutte pour un podium que la promesse d’une belle prime. Pour attirer les meilleurs athlètes (et, de ce fait, profiter des retombées médiatiques et publicitaires), un chèque ne suffit pas nécessairement, il faut ajouter, dans certains cas, des gages pour qu’ils daignent faire le déplacement.

Le golfeur Tiger Woods a gagné suffisamment de
primes pour prendre la première place du classement Forbes des 500 sportifs les plus rémunérés (100 millions de dollars US en 2007). En termes de gains, le joueur de tennis américain Pete Sampras a accumulé plus de 43 millions de dollars durant sa carrière jusqu’en 2007 tandis que le Suisse Roger Federer a gagné un peu plus de 10 millions de dollars rien qu’en 2007.


L’argent et les sponsors

L’athlète moderne va rarement très loin sans parrainage et les sponsors en veulent pour leur argent. Au sommet du barème des rémunérations, l’argent versé par les sponsors dépasse largement les gains empochés par le sportif. L’agence de management IMG, qui gère les intérêts de Roger Federer, refuse de dévoiler le total des revenus du joueur, admettant néanmoins que la somme est « substantielle, la plus forte de l’histoire du tennis ». En plus de sa propre gamme de produits cosmétiques, le Suisse était parrainé en 2007 par Nike, Wilson, Rolex et Gillette.

Les performances comptent. Sur le terrain et en dehors. En 2007, Gillette lâchait le plus riche footballeur du monde, David Beckham, au profit des visages rasés de près de Roger Federer, Tiger Woods et Thierry Henry pour sa campagne publicitaire planétaire. D’après la marque, le trio a été sélectionné pour sa réussite, mais également parce que chacun d’entre eux incarne « de vraies valeurs sportives » et est un bon exemple sur le terrain.

Les sponsors adorent les vainqueurs comme le quasi-inconnu Liu Xiang a pu le constater après sa victoire aux 110 mètres haies des Jeux d’Athènes en 2004. Premier Chinois à avoir remporté une médaille d’or en athlétisme, il a reçu 3,5 millions de yuans (environ 320 000 euros), mais il est plus que probable que ses revenus publicitaires s’élèvent au quintuple.


L’argent et les villes olympiques

Les États sont de plus en plus enclins à présenter leur pays par le truchement de grands événements sportifs comme les Jeux olympiques. Los Angeles était la seule candidate pour 1984, mais Londres a dû lutter contre huit rivales pour 2012. Douze villes auraient l’intention de déposer leur candidature pour 2016. Cependant, être choisi pour organiser les Jeux n’est pas gage de succès financier.

À l’occasion des premiers Jeux de l’ère moderne, en 1896, le gouvernement grec n’avait pas les moyens de faire construire un stade et a fait appel aux dons privés pour restaurer de vieilles ruines. Dans le Londres de l’après-guerre en 1948, les athlètes étaient logés dans des casernes et ont dû apporter leur nourriture. Les Jeux de Montréal en 1976 a endetté le Québec pendant des lustres. Mais ceux de Tokyo en 1964, Séoul en 1988 et Barcelone en 1992 ont largement contribué à faire connaître les villes organisatrices tandis que ceux de Los Angeles en 1984 et d’Atlanta en 1996, deux cités qui se sont servies d’installations existantes et du parrainage d’entreprises, ont été bénéficiaires.