L’homme du changement Richard Kelly

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Résumé

ÂGE : 39 ans.
LIEU DE NAISSANCE : Worcester, en Angleterre.
FORMATION : licence de biophysique, maîtrise d’ergonomie du design.
EMPLOIS PRÉCÉDENTS : directeur marketing chez Levi Strauss & Co à San Francisco.
FAMILLE : marié et deux enfants.
RÉSIDENCE : Toulouse, travaille à Londres et en France.
FILM PRÉFÉRÉ : Sin City.
PUB RECOMMANDÉ À LONDRES : le Gun-makers, à Clerkenwell.
CD ÉCOUTÉ : Demon Days du groupe Gorillaz.
LOISIRS : fabrication de meubles, bikram yoga et jogging.

Via son travail à l’agence de design IDEO, Richard Kelly aide ses clients à traverser les eaux agitées du changement et de l’innovation.

Dans les locaux londoniens de l’agence de design IDEO, Richard Kelly vient d’expliquer comment rendre la réflexion des entreprises plus novatrice. Il trace un diagramme pour montrer l’écart entre ce qui se passe à l’intérieur des entreprises et à l’extérieur, et comment IDEO résumera des idées testées sur le marché pour les aider à réfléchir sur le processus de changement interne.

Quelques minutes plus tard, il dessine un cercle autour du mot Expériences et la remplit avec Produits, services et milieux. « On nous pose souvent des questions du type ‘On pensait qu’on était dans le secteur de la téléphonie mobile, mais on n’en est plus vraiment sûrs ; dans quel secteur allons-nous évoluer demain ?’ » Il marque une pause et repose son feutre. « Cela semble un super projet pour nous. »

Richard Kelly n’a pas de titre particulier (ce n’est pas le genre d’IDEO), mais il travaille au département « design de services », élaborant des stratégies d’innovation pour des grands groupes comme Nestlé, Vodafone et la BBC. Les locaux d’IDEO eux-mêmes sont inspirés : nichés entre deux immeubles de bureaux dépourvus de caractère, ils sont spacieux et sans cloisons avec des murs laissant parfois apparaître la brique à nu, et un coin cuisine/lecture pour le personnel près de la réception principale.

Richard Kelly n’a rejoint IDEO qu’en février 2005, mais il lui est lié depuis son séjour à San Francisco où il est resté directeur marketing de Levi’s Jeans chez Levi Strauss & Co. pendant sept ans. Ces années le laissent perplexe comme s’il essayait encore de digérer le contraste culturel entre un vendeur de jeans « qui en fabrique depuis 150 ans » et l’éventail de décisions que le marché des biens de consommation à forte rotation, par exemple, exige quotidiennement ou presque.

En dehors de chaque salle de réunion à IDEO Londres (l’agence est aussi présente à Munich, Palo Alto en Californie, San Francisco, Boston et Chicago), des écrans d’ordinateur montrent qui a réservé la salle et pour quel usage. À l’intérieur, des slogans de management sont affichés sur les murs : « Différez votre avis », « Construisez sur les idées des autres », etc. Richard Kelly aime à raconter l’histoire de cette grande multinationale ayant organisé une séance de remue-méninges avec une équipe IDEO : lorsque l’équipe est revenue 18 mois plus tard, les règles ayant régi la séance étaient encore placardées au mur. IDEO ne laisse pas indifférent.

Richard Kelly essaye d’encourager les entreprises à penser au design des services. « C’est un peu délicat. Beaucoup de clients se considèrent comme vendeurs de services financiers ou détaillants, etc., mais pas comme un organisme prestataire de services. Notre défi, c’est de les aider à créer des solutions recevables et graduelles qui reçoivent un écho favorable dans l’entreprise. »

Il souligne la valeur de ce qu’il appelle les « utilisateurs extrêmes » pour tester les produits et services. « Pour un projet avec un grand opérateur de téléphonie mobile, je n’étudierais pas le style de vie d’un homme d’affaires. J’étudierais quelqu’un d’un peu plus marginal, disons un organisateur d’événements qui vit en Suède et propose des soirées dans toute l’Europe en faisant venir des DJ de San Francisco, Saõ Paulo, etc. Il passe son temps sur son Blackberry et envoie des messages en trois ou quatre langues. Si vous commencez à concevoir des choses pour lui ou si vous vous inspirez de ce qu’il essaye de faire, vous saurez tout de suite ce que feront tout un tas de gens d’ici trois ans. »

Richard Kelly est originaire de Worcester dans l’ouest de l’Angleterre et a plutôt roulé sa bosse. Il habite actuellement à Toulouse avec sa femme et ses deux jeunes enfants, mais fait la navette avec Londres. Il prend l’avion le lundi matin et revient le jeudi. Le vendredi, il travaille chez lui. « Cela paraît fou, mais les distances sont beaucoup plus courtes qu’entre les grandes villes américaines. »

Pendant ses rares loisirs, il aime fabriquer des meubles à partir de bois, un passe-temps appris après sa licence de biophysique alors qu’il préparait une maîtrise d’ergonomie du design à Londres. Son autre dada, à ses dires, c’est de réserver des billets d’avion.

Traverser le continent au moins deux fois par semaine en épuiserait plus d’un, mais il est évident qu’il prend beaucoup de plaisir dans son nouveau travail. « Il s’agit de faire des prototypes, de pénétrer quelque chose, d’être inspiré. Observer, remue-méninges, prototype, et on recommence. »

En dépit d’une clientèle allant d’entreprises individuelles à la Sécurité sociale britannique, la chose intéressante avec IDEO, estime Richard Kelly, est que beaucoup de ses clients veulent être son partenaire, et non travailler à distance. « Je ne pense pas qu’il existe un label IDEO, mais il y a un fil rouge dans notre travail : l’absence d’ego et un esprit d’invention partagée. »

Richard Kelly jette un coup d’œil sur la superbe brochure de l’agence, qui aligne les succès, que ce soit un cuiseur à riz lent ou un diffuseur de baisers portable. « Nous découvrons que nous produisons moins de produits concrets étant donné que notre travail aujourd’hui est d’aider les entreprises à être encore plus novatrices. »