Mistral engines vise haut
MISTRAL Engines a mis au point un moteur à pistons rotatifs, multicarburants, refroidi par liquides et géré électroniquement pour répondre aux besoins de l’aviation générale.
Résumé
Le siège du motoriste MISTRAL Engines, créé en 2001, est à Genève, en Suisse. Il comprend un bureau d’études, un laboratoire d’essais de moteurs et un atelier d’assemblage. La société emploie 22 salariés à Genève et deux à MISTRAL Engines USA, filiale à 100 % installée à DeLand, en Floride. Elle est détenue par un groupe de pilotes et d’autres actionnaires. Son PDG, Philippe Durr, est lui-même un pilote privé passionné et chevronné.
MISTRAL Engines a mis au point un moteur à pistons rotatifs, multicarburants, refroidi par liquides et géré électroniquement pour répondre aux besoins de l’aviation générale.
Pour une démonstration de fonctionnement sans vibration, elle est plutôt convaincante. Yann Olivier place un verre de vin sur le moteur et accélère. Le nombre de tours augmente : 3 000, 4 000, 5 000 tr/min et plus. Le collecteur d’échappement rougeoie d’abord, puis chauffe à blanc. Mais le verre reste bien en place, sa surface se ride à peine. « Essayez de faire pareil avec n’importe quel moteur à pistons alternatifs et le verre tombera en moins de deux. »
Yann Olivier est responsable système groupe moteur chez MISTRAL Engines, une entreprise installée à Genève, en Suisse, dont l’équipe enthousiaste d’ingénieurs a mis au point un moteur à pistons rotatifs pour l’aviation générale, qui offre bien des avantages par rapport au moteur à pistons alternatifs.
L’aviation générale regroupe les avions qui ne sont ni militaires ni de ligne. On en recense quelque 300 000 dans le monde, principalement de petite et moyenne tailles. Le moteur à pistons alternatifs domine ce marché depuis son apparition. Mais un tel moteur, dont les pistons vont et viennent des milliers de fois par minute, est intrinsèquement limité. En 2001, estimant que le moteur à pistons rotatifs pourrait offrir des avantages sans précédent s’il était associé à la technologie électronique moderne, un groupe de pilotes privés et de propriétaires d’aéronefs suisses ont créé une entreprise destinée à mettre au point un nouveau type de moteur basé sur le moteur Wankel.
Le moteur à pistons rotatifs a été mis au point par Félix Wankel en Allemagne dans les années 1950. L’ingénieur allemand obtient ses premiers résultats probants avec un prototype en 1957. Dans ce moteur, un rotor triangulaire décrit une courbe spéciale (épitrochoïde est le terme exact) dans un stator de forme ovale. La combustion du carburant intervient dans l’espace libre entre le rotor et le stator. En l’absence de pièces en mouvement alternatif et soumises à de fortes contraintes, ce type de moteur offre fiabilité, longévité, compacité, faibles coûts de maintenance et excellent ratio masse/puissance. Il accepte également plusieurs types de carburant.
Il a déjà été installédans des voitures, avions sans pilote, karts, scooters des mers, tronçonneuses et groupes auxiliaires de puissance. C’est l’entreprise japonaise Mazda qui s’en est le plus servi dans le secteur automobile : en 1991, une Mazda à moteur Wankel a remporté les 24 heures du Mans. L’année suivante, le règlement modifié entre-temps n’a pas permis à la voiture de reprendre le départ. « Le moteur Wankel est une technologie qui a fait ses preuves, affirme Philippe Durr, PDG de MISTRAL. L’un de ses inconvénients passés était sa forte consommation de carburant. Mais notre système de gestion numérique de pointe l’a réduite à un niveau comparable à celle des moteurs d’avion conventionnels. Notre filiale américaine, MISTRAL Engines USA, tente d’obtenir la certification de type auprès de la Federal Aviation Authority (FAA). Pour cela, il faut démontrer que le moteur satisfait un grand nombre de critères de sécurité et techniques. C’est le principal obstacle à l’entrée sur le marché de l’aviation générale. »
Trois types de clients forment ce marché : les bricoleurs qui fabriquent leur propre aéronef expérimental sur plans, les constructeurs tels que Cessna et Piper qui équipent leurs avions de moteurs certifiés et les ateliers de conversion. « Le marché des constructeurs est le plus important, mais celui de la conversion n’est pas négligeable, explique Philippe Durr. La durée de vie moyenne d’un aéronef est de 35 ans, celle d’un moteur d’avion de 12 ans. Par conséquent, un avion aura trois moteurs au cours de son existence. Ce qui signifie pas mal de moteurs pour un marché qui compte 300 000 aéronefs d’aviation générale. »
MISTRAL produit des moteurs à deux et trois rotors pour avions et hélicoptères d’une puissance de décollage de 148 kW (200 ch) et 220 kW (300 ch). Des versions turbo de 170 kW (230 ch) et 265 kW (360 ch) sont en développement. Ces moteurs acceptent la plupart des formules pour automobile (mogas) et pour avion (avgas), avec ou sans plomb, et même des mélanges comprenant jusqu’à 15 % d’éthanol. Des projets incluent une autre gamme de moteurs fonctionnant au carburant aviation JET-A1.
La longévité et la fiabilitédu moteur MISTRAL sont le résultat de deux caractéristiques inhérentes à sa conception. D’abord, il est extrêmement simple. Le module de puissance de 75 kW (100 ch) est composé de trois parties (un stator, un rotor et un arbre) tandis que le module de 37 kW (50 ch) d’un moteur alternatif compte plus d’une trentaine de composants. Ensuite, les pièces d’un moteur MISTRAL tournent, elles sont donc moins exposées à des contraintes que les pistons et les autres composants d’un moteur alternatif. Le délai prévu entre deux RG (Révision Générale, procédure obligatoire pour tous les moteurs d’avion) est de 3 000 heures par rapport à 2 000 heures environ pour un moteur conventionnel similaire.
Sa simplicité en fait aussi un moteur plus léger et plus compact. Son poids étant plutôt plume (132 kg pour un modèle de 148 kW et 177 kg pour un 220 kW), l’avion aura une plus grande capacité de charge utile. Son côté frontal est plus petit qu’un moteur alternatif équivalent, ce qui autorise un meilleur aérodynamisme des capots de moteur.
Il y a d’autres aspects. Le moteur MISTRAL est refroidi par liquides (celui des avions de tourisme par air). Sa température de fonctionnement est donc constante, ce qui évite les problèmes de choc thermique susceptibles d’intervenir en cas de descente rapide à bas régime.
Si un moteur MISTRAL tourne à une vitesse de rotation relativement élevée (plus de 6 000 tr/min), un réducteur intégré d’un rapport de 2,8/1 réduit la rotation des hélices à 2 100/2 200 tr/min, ce qui est excellent. Ceci, associé à sa douceur de fonctionnement, abaisse son niveau sonore d’environ 10 dB, dans le cockpit et autour de l’aéronef.
En outre, tandis qu’une panne mécanique est généralement catastrophique pour un moteur alternatif, le moteur à pistons rotatifs ne perd que graduellement de la puissance. C’est un atout de sécurité important pour un aéronef, en particulier un hélicoptère.
Quand on lui demande le prix d’un moteur MISTRAL, Philippe Durr répond : « C’est un leurre de vouloir comparer directement le coût d’un moteur alternatif conventionnel et d’un MISTRAL. Si son prix est un peu plus élevé qu’un moteur alternatif de la même puissance, le MISTRAL affiche une fiabilité plus élevée, une durée de vie plus longue, des coûts de maintenance plus bas et une flexibilité en matière de carburant. Ce qui signifie qu’il reviendra globalement bien moins cher. »
Que réserve l’avenirà l’entreprise ? « Les obstacles sont nombreux sur ce marché. Il faut vraiment avoir confiance dans son produit. MISTRAL est une société privée et nous nous attendons à un long combat. Nous avons déjà vendu plusieurs moteurs pour avions expérimentaux et hélicoptères, mais les ventes ne démarreront qu’une fois la certification FAA en poche. »
« Il va sans dire que les roulements SKF installés sur l’arbre principal sont des composants vitaux. Nous devons être extrêmement prudents quant au choix de nos fournisseurs. La qualité irréprochable du produit est indispensable. La traçabilité de chaque élément est essentielle. Et nous devons compter à long terme sur nos fournisseurs. Si nous changeons de fournisseur de roulements, par exemple, il faudra recommencer toute la procédure de certification auprès de la FAA. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi SKF. »
SKF fournit à MISTRAL Engines des roulements d’arbre de transmission et d’autres composants pour moteur, dont des roulements à billes à quatre points de contact, des roulements rigides à billes et des joints d’étanchéité en fluoropolymère hautes températures et résistant aux huiles. Les roulements sont fabriqués par la filiale Somecat de SKF à Pianezza, près de Turin, en Italie. Ce site produit des roulements à billes et à rouleaux cylindriques spéciaux pour l’aéronautique et d’autres applications spéciales hautes performances. Fabriqué à partir de matériaux de la meilleure qualité, chaque roulement destiné à l’aéronautique est codé et numéroté afin d’assurer une traçabilité totale.