Nouvelle donne dans le ciel
D’après les experts, qui ne sont pas d’accord sur le sujet, l’avenir de l’aviation civile tend soit vers les très gros porteurs capables de transporter un grand nombre de passagers, soit vers de petits avions performants desservant les aéroports régionaux et locaux..
Aéroports et cieux sont proches de la congestion. L’Inde et la Chine connaissent une croissance sans précédent du trafic aérien et celui-ci devrait progresser de 8,8 % par an d’ici 2024 en Chine (Pékin organise les Jeux Olympiques en 2008 et Shanghai l’Exposition universelle en 2010) et de 25 % par an en Inde d’ici 2010, faisant de l’Asie une région de prédilection pour l’industrie aéronautique.
Cependant, la flambée des cours du pétrole entame les bénéfices des compagnies aériennes, amenant certaines au bord de la faillite. En 2005, l’industrie mondiale des transports aériens aurait perdu six milliards de dollars en raison de la montée en flèche du prix du carburant, affirme l’International Air Transport Association, et ce, en dépit d’une augmentation de 8,7 % du nombre de passagers transportés.
Il ne faut pas oublier non plus le point de vue environnemental. L’avion est l’un des modes de transport les plus polluants : les 16 000 appareils commerciaux en service produisent plus de 600 millions de tonnes de gaz carbonique par an, d’après une étude publiée dans le magazine National Geographic.
En même temps, les compagnies à bas coûts poussent comme des champignons un peu partout (Asie, Europe, Amériques), n’offrant aucun service à leurs passagers et remettant en cause le statu quo régnant entre les transporteurs « traditionnels ».
Ces tendances et bien d’autres poussent les avionneurs comme l’américain Boeing, l’européen Airbus, le canadien Bombardier et le brésilien Embraer à reconsidérer le profil de leurs appareils.
Cependant, on est loin du consensus. Tous parient sur un avenir différent. Airbus et Boeing sont les deux plus gros constructeurs mondiaux d’avions civils. À eux deux, ils ont vendu 2 057 appareils en 2005, une performance exceptionnelle qui devrait être divisée par deux en 2006, estime l’International Herald Tribune. Plus de 40 % de ces commandes ont été passées par des compagnies aériennes asiatiques.
Début 2005, Airbus a présenté le plus gros avion porteur du monde, l’Airbus A380, capable de transporter plus de 800 passagers répartis en trois classes. Cet avion monstrueux a pour ambition de détrôner le plus gros porteur actuel, le Boeing 747, qui peut embarquer un maximum de 420 passagers.
L’A380 a deux ponts qui s’étendent tout le long du fuselage avec larges escaliers à l’avant et à l’arrière et quatre allées. Son envergure est de 80 mètres. Pourtant, malgré sa taille phénoménale, l’A380 pèse 31 tonnes de moins que le 747. Il est aussi plus silencieux, plus économique, et son autonomie est de 16 200 km comparé au 13 325 km de son rival.
Airbus prétend que plus l’avion est gros, mieux l’environnement se porte. D’après le consortium, l’A380 permettra de décongestionner les voies aériennes en embarquant plus de passagers et sa consommation énergétique par passager est moindre que celle de la plupart des voitures de tourisme. Il mentionne aussi que les coûts d’exploitation par passager seront de 15 à 20 % inférieurs à ceux du 747. Une enquête de la BBC a estimé que l’avion parcourera 32 km par litre et par passager.
L’A380 devrait entrer en service fin 2006 sur les lignes de Singapore Airlines, qui en a commandé 10 exemplaires. À cette date, Airbus a vendu 139 A380 (prix de vente : 219 millions d’euros) à la Lufthansa, Air France, Thai Airways, Korean Air, Federal Express et China Southern Airlines.
Son principal client est Emirates, une compagnie aérienne publique de Dubaï en pleine expansion, qui en a commandé 43. Avec ce nouvel appareil, l’émirat espère devenir une plaque tournante du trafic aérien transcontinental.
De son côté, Boeing pense plutôt que les avions de grande capacité volant d’aéroports bondés en aéroports bondés appartiennent au passé. L’avionneur de Chicago préfère parier sur son B787 qui prendra son envol en 2008. Cet avion de taille moyenne a la même autonomie qu’un gros avion à réaction.
Le Dreamliner, autre nom du B787, satisfait aux besoins de rapidité et de liaison directe des passagers, estime Boeing. Il pourra embarquer jusqu’à 300 passagers et couvrir 16 000 km. Il est rapide et économique (le site Web de Boeing affirme qu’il consommera 20 % de carburant en moins qu’un avion de taille similaire) et pourra accéder aux aéroports régionaux sans problème. Par contraste, la plupart des aéroports devront être modifiés pour accueillir l’A380.
Au salon asiatique de l’aéronautique en février dernier à Singapour, Boeing avait déjà enregistré 354 commandes pour son B787, soit le double d’Airbus.
Airbus et Boeing ont beau être rivaux, leurs derniers modèles sont très complémentaires. L’A380 est adapté aux liaisons très fréquentées comme Paris-New York tandis que le B787 convient parfaitement aux longs courriers embarquant moins de passagers.
Si les termes capacité, rapidité et respect de l’environnement sont les mots-clés qui attirent les compagnies aériennes, on note aussi une tendance pour les avions plus petits et plus flexibles.
Selon la FAA, la direction américaine de l’aviation civile, le marché des « micro-jets » commence à décoller. Un micro-jet est un petit avion à réaction capable de transporter de huit à dix passagers et de desservir de petits aéroports qui sont généralement plus proches des domiciles des passagers. Ceux que l’on appelle souvent des « taxis aériens » atteignent les deux tiers de la vitesse d’un avion de ligne. Et ils coûtent environ
1,5 million de dollars, soit la moitié du prix d’un avion d’affaires.
La FAA a affirmé lors d’une conférence récente qu’une centaine de ces avions prendront leur envol en 2006. D’ici 2010, il y en aura plus de 1 500 dans les cieux américains.
Cessna, Eclipse Aviation, Adam Aircraft et Cirrus Design font partie des entreprises rivalisant pour s’octroyer une part de ce marché en pleine expansion. Même Embraer, le constructeur brésilien d’avions régionaux de 110 places privilégiés pour les petits courriers, a annoncé le lancement de son micro-jet Phenom 100 en novembre 2005. « Nous sommes à l’aube d’un nouveau modèle d’affaires », a indiqué Nan Shellabarger de la FAA au quotidien New York Times en mars 2006.
« L’Amérique attend un véritable réseau de taxis aériens, a écrit le chroniqueur Rich Karlgaard dans le magazine Forbes. Quand arrivera-t-il ? ».