Industrie

Recherche lissée

À l’Imperial College de Londres, le professeur Hugh Spikes étudie les effets des frottements.

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En bref

Date de naissance : 1945
Formation :
• Pembroke College à Cambridge (1965-1968)
• Doctorat au département de génie mécanique de l’Imperial College
Récompenses :
• La Tribology Trust Gold Medal
• Le prix international de la Society of Tribologists and Lubrication Engineers
• Le prix Mayo D. Hersey de l’American Society of Mechanical Engineers
Loisirs :
La danse (principalement le tango argentin), un peu de jardinage (sous la direction de son épouse), la lecture de romans sans prétention (souvent pour la seconde fois)

Le professeur Hugh Spikes a publié 250 publications scientifiques sur des sujets tels que les mécanismes de réduction des frottements, les interactions entre surfaces d’additifs d’huile, la lubrification des surfaces non lisses et la lubrification des éléments de machines. Il est membre de la Royal Academy of Engineering, de l’Institution of Mechanical Engineering et de la Society of Tribologists and Lubrication Engineers (STLE).
Il collabore avec SKF depuis près de 20 ans sur des sujets relatifs à la tribologie et à la lubrification et est actuellement directeur des recherches au centre universitaire technologique de tribologie SKF de l’Imperial College de Londres.

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Imperial College London

Titulaire de la chaire de professeur de lubrification à l’Imperial College de Londres, Hugh Spikes n’est pas un scientifique retranché dans sa tour d’ivoire et est très favorable aux contacts entre le monde de la recherche et l’industrie : « La recherche fondamentale a toujours montré un peu de snobisme à l’égard du financement industriel, mais, par définition, la recherche en matière d’ingénierie a toujours des applications pratiques. » Ce pragmatisme n’a rien de nouveau à ses yeux et il cite le fameux article de Guillaume Amontons sur les frottements en 1699 et celui d’Osborne Reynolds sur la lubrification en 1886.

Ainsi, le professeur Spikes est fier de coopérer avec les entreprises. « Mon principal intérêt a toujours été de combiner science fondamentale et applications pratiques. J’aime cette ambiance plus informelle et aussi les contacts avec l’industrie : ceux-ci sont extrêmement stimulants et les perspectives des entreprises les plus éclairées sont souvent à long terme. J’ai la chance d’avoir une position de confiance avec plusieurs grandes multi­nationales telles que British Petroleum, Nippon Oil, Shell et SKF. »

La portée de sa contribution au domaine de la tribologie est indéniable. En 2004, il a été lauréat de la Tribology Trust Gold Medal, du prix international de la Society of Tribologists and Lubrication Engineers et du prix Mayo D. Hersey décerné par l’American Society of Mechanical Engineers. Avec l’aide de ses étudiants chercheurs, il a reçu dix fois le prix du meilleur article de la part de l’Institution of Mechanical Engineers, de la Society of Tribologists and Lubrication Engineers et de l’American Society of Mechanical Engineers.

Le groupe de chercheurs dirigé par Hugh Spikes à l’Imperial College reflète bien la nature pluridisciplinaire de la tribologie : ingénieurs en mécanique et en chimie, physiciens, chimistes et spécialistes des matériaux, dont les champs de recherche s’étendent à la lubrification hydro­dynamique et élasto-hydrodynamique, la chimie des lubrifiants, la technologie des revêtements de surface, la mécanique des contacts, l’usure et la fatigue des surfaces. La liste des applications est quasi-infinie, des micromachines et instruments scientifiques aux produits de beauté en passant par la propulsion maritime, les véhicules à moteur, hélicoptères et machines industrielles.

Lorsque l’arrivée du gazole à faible teneur en soufre a entraîné la défaillance des pompes à injection des automobiles en 1991, la recherche du professeur Spikes en matière des propriétés de lubrification des gazoles a abouti à la mise au point de techniques permettant de tester leurs frottements et performances de lubrification. L’équipement d’essai conçu alors est aujourd’hui fabriqué par PCS Instruments, une entreprise issue de la recherche publique, et est devenu la référence industrielle pour mesurer le pouvoir lubrifiant du gazole.

Les nouveaux domaines de recherche du groupe de l’Imperial College sont les microsystèmes  électromécaniques, dont les imprimantes à jet d’encre, airbags et puces en silicium sont des exemples. La tribologie appliquée à la mécanique dans le secteur de l’éolien est un autre champ privilégié. Si l’industrie fait actuellement grand cas du développement durable, c’est le rendement qui va prendre de l’importance, estime Hugh Spikes : « Ce domaine englobe un vaste éventail d’applications. Les plus évidentes sont sans doute celles liées aux lubrifiants et additifs pour moteurs, un domaine auquel la recherche s’intéresse. Les caractéristiques des huiles pour moteurs changent tous les quatre ou cinq ans. L’huile de base d’une voiture contient entre 10 et 15 agents chimiques ajoutés : anti­oxydants, modificateurs de frottement, anti-usure, anti-mousse, dispersants, détergents et anti-corrosion. Les amener à se bien comporter ensemble est une mission très délicate. Les priorités ont changé également car l’impact sur l’environnement n’est plus le seul critère à respecter : l’amélioration de l’efficacité est devenue un point critique tout comme le besoin d’adapter les lubrifiants aux systèmes de post-traitement tels que les catalyseurs. L’un de nos objectifs en matière de recherche dans ce domaine est de réduire les émissions du moteur. La pollution routière et les maladies respiratoires qui y sont liées sont des questions préoccupantes dans les milieux urbains d’aujourd’hui. »

Son groupe planche également de manière significative sur des applications moins évidentes. « À chaque interaction physique entre deux surfaces, il y a frottement. Il existe donc des domaines de recherche et de développement plutôt insolites. L’un d’entre eux est le comportement des prothèses de hanche. La technologie agro-alimentaire en est une autre. Nous avons récemment collaboré avec Unilever pour améliorer le goût des produits moins gras. Le goût est lié aux frottements à l’intérieur de la bouche et nous avons exploré comment concevoir des produits allégés possédant des caractéristiques de frottement reproduisant celles des produits gras. »

En ce qui concerne l’avenir de la tribologie, Hugh Spikes prédit que les micromachines vont focaliser l’attention. « Elles sont largement présentes dans la technologie quotidienne et même si la science des nanomachines n’en est qu’à ses balbutiements, les machines construites à partir d’atomes individuels, conçues pour manipuler la matière, soulèvent les mêmes questions qu’en tribologie actuellement – les frottements, l’usure et la lubrification – mais à une échelle presque inimaginable. »