Un modèle de frottement comme outil d’ingénierie

Comprendre le phénomène de frottement qui s’opère dans les roulements permet d’économiser l’énergie et d’optimiser les performances. SKF vient ainsi de publier un modèle de frottement plus abouti pour aider les ingénieurs à sélectionner le roulement approprié.

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Résumé

Le frottement est au cœur des préoccupations des ingénieurs qui travaillent avec des roulements. Il influe sur les performances du roulement, génère de la chaleur, limite la vitesse et peut même provoquer des défaillances s’il est négligé. SKF a récemment présenté un modèle de calcul plus abouti pour aider les ingénieurs à sélectionner le bon roulement et optimiser leur application.
Ce modèle, qui décompose le frottement selon quatre sources physiques, aide les ingénieurs à mieux comprendre le fonctionnement d’un roulement et les conséquences du frottement. Le Catalogue technique interactif SKF, disponible en ligne sur www.skf.com, inclut des programmes de calcul en ligne. Le Catalogue général SKF 6000 consacre également un chapitre à ce sujet.

Comprendre le phénomène de frottement qui s’opère dans les roulements permet d’économiser l’énergie et d’optimiser les performances. SKF vient ainsi de publier un modèle de frottement plus abouti pour aider les ingénieurs à sélectionner le roulement approprié.

 

L’industrie accorde un intérêt croissant aux économies d’énergie et aux performances des roulements. La capacité à comprendre et modéliser les différentes sources de frottement est capitale dans le processus d’optimisation et dans le choix du roulement pour une application donnée. SKF a ainsi décidé de publier un modèle plus abouti pour le calcul du moment de frottement des roulements. Ce modèle SKF présente la particularité de séparer les différentes sources physiques de frottement: frottement par roulement, par glissement, des joints et pertes résultant du brassage de l’huile. Il permet ainsi aux ingénieurs non seulement de calculer le moment de frottement, mais aussi de mieux comprendre le fonctionnement du roulement dans une application donnée.

Les roulements ont pour principale fonction de transmettre un mouvement avec un faible frottement. Cette fonction est assurée principalement par le mécanisme de roulement, qui consomme moins d’énergie que le glissement mais génère également un frottement. Le mécanisme de roulement implique des zones (« contacts ») de faible interaction et une concentration élevée des charges. Compte tenu de ces facteurs et de la déformation élastique de l’acier, un certain glissement est inévitable. D’autres sources de pertes d’énergie dans les roulements sont liées à la lubrification : les roulements graissés à vie sont souvent équipés de joints frottants et la lubrification à l’huile s’effectue souvent par bain d’huile. Outre leur impact économique, les pertes d’énergie influent sur le fonctionnement et la durée de vie du roulement en augmentant la température de service et en réduisant la viscosité du lubrifiant.
On distingue dans un roulement quatre sources physiques de frottement:

Frottement par roulement

Tout contact roulant (lubrifié ou non) est source de frottement par roulement entraînant des pertes d’énergie. Les sources de frottement sont de plusieurs types. Une perte d’énergie se produit lors de l’introduction du lubrifiant dans la zone de contact et du rejet du surplus (processus de lubrification élastohydrodynamique). Les pertes par hystérésis élastique dans l’acier (dissipation d’énergie lors du processus de déformation) et même les forces d’adhérence entre les surfaces sont des mécanismes susceptibles de générer un frottement par roulement. Tout cela s’ajoute au fait que des contacts de roulement pur relèvent de l’idéalisation mathématique car, dans la réalité, tout contact roulant présente un micro-glissement dû à la déformation des surfaces. Ce micro-glissement est cependant considéré comme une source de frottement par glissement.
Pour déterminer le moment de frottement total au roulement à l’intérieur du roulement, Mrr , il convient d’établir d’abord la répartition des charges entre les différents contacts d’éléments roulants. Cette répartition dépend des charges externes, radiale Fr et axiale Fa, et de la géométrie du roulement (type et taille du roulement, nombre et taille des éléments roulants). Une fois la contribution de chaque contact établie, toutes les valeurs sont additionnées. Le modèle de frottement SKF tient compte de l’influence de la charge sur la résistance au roulement à travers les variables Grr, tandis que les facteurs R1, R2 et R3 représentent la géométrie du roulement.
La résistance au roulement dépend également de deux autres facteurs qui sont la chaleur produite par le cisaillement d’entrée et la quantité de lubrifiant en amont du contact:

Le lubrifiant présent à l’entrée du contact ne pouvant se répandre entièrement à l’intérieur, une partie est rejetée en un flux de retour. Ce flux inversé génère de la chaleur qui abaisse considérablement la viscosité du lubrifiant. L’épaisseur du film lubrifiant et, par conséquent, la résistance au roulement, s’en trouvent réduites. Le modèle de frottement SKF tient compte de ce phénomène par le biais du facteur .

En cas de vitesse élevée ou de forte viscosité, le lubrifiant présent sur les bords des contacts peut ne pas avoir le temps de remplir les chemins entre deux passages d’éléments roulants. Ce phénomène dit d’insuffisance cinématique entraîne une diminution de la quantité de lubrifiant disponible à l’entrée du contact et réduit l’épaisseur du film et la résistance au roulement. Le modèle de frottement SKF tient compte de ce phénomène par le biais du facteur . Ce facteur dépend également du mécanisme d’alimentation en lubrifiant.

Des interactions entre le facteur de chaleur due au cisaillement d’entrée et la quantité de lubrifiant en amont du contact sont possibles, mais le modèle a été établi de manière à en tenir compte.

Frottement par glissement

Un frottement par glissement peut être observé au niveau de tout contact roulant. Il existe deux principales sources de glissement au niveau d’un contact roulant: le macro-glissement causé par la conformité du contact due à des entités de macro-géométrie, par ex., le contact entre billes et chemins courbes dans les roulements à billes (osculation) et le patinage, qui correspond à un glissement à une certaine vitesse angulaire, et le micro-glissement causé par la distorsion géométrique due à la déformation élastique.
Le profil de glissement dans la zone de contact génère des pertes par frottement dues au cisaillement du lubrifiant et/ou à un contact d’aspérités, en fonction de l’épaisseur du film lubrifiant/rapport de rugosité.

A) Cisaillement du lubrifi ant:le coefficient pour le frottement dû au cisaillement du lubrifiant au niveau d’un contact est déterminé par la formule:

dans laquelle, Q représente la charge normale exercée sur le contact, la contrainte de cisaillement dans le lubrifiant et A, la superficie du contact. La contrainte de cisaillement au niveau du contact dépend du profil de glissement (vitesse de glissement) et de la rhéologie du lubrifiant.

B) Contacts d’aspérités: lorsque le film lubrifiant n’est pas suffisamment épais pour séparer complètement les surfaces et que, sous l’effet du glissement, certaines aspérités entrent en interaction, les pertes dues au frottement par glissement augmentent car le coefficient de frottement des aspérités est supérieur au coefficient de frottement par cisaillement de l’huile. L’équation suivante permet d’obtenir le coefficient du frottement total provenant du cisaillement de l’huile et des contacts d’aspérités:

est le coefficient de frottement entre les aspérités, il varie selon les additifs du lubrifiant. est un facteur de pondération qui permet de tenir compte de l’influence des mécanismes des aspérités et du cisaillement du lubrifiant. Cette équation et le diagramme fourni dans le Catalogue général SKF 6000 ont été établis à partir de procédures de modélisation et d’expérimentation.
Pour déterminer le moment de frottement total au glissement à l’intérieur du roulement, Msl, on additionne les contributions de l’ensemble des contacts. Dans le modèle de frottement de SKF, l’influence de la charge sur la résistance au glissement est prise en compte à travers les variables Gsl, tandis que les facteurs S1, S2 et S3 représentent la géométrie du roulement.

Frottement des joints

Le frottement des joints est généré par le glissement entre la lèvre du joint et la surface d’appui métallique en rotation. Dans le cas de joints à frottement, désignés par les suffixes RSH, RS1, LS, CS, CS2 et CS5 par ex. dans les catalogues des produits SKF, la contribution du joint représente une part importante du moment de frottement total. Le modèle SKF fournit une méthode pour calculer la contribution du joint au moment de frottement.

Pertes résultant du brassage de l’huile

Le modèle de frottement SKF peut tenir compte des pertes d’énergie dues au brassage de l’huile dans un bain d’huile. Le modèle présenté doit être utilisé avec certaines restrictions, en particulier dans les cas de roulements de grandes dimensions, de vitesses élevées et de niveaux d’huile importants qui requièrent des études approfondies. La version électronique restreint les calculs en cas de dépassement des limites du modèle.

Le modèle de frottement, outil d’ingénierie

Cette décomposition du frottement selon différentes sources physiques fait du modèle SKF un véritable outil d’ingénierie car il fournit d’autres informations en plus des valeurs de frottement. Dans les deux exemples ci-dessous, le modèle est utilisé pour expliquer le fonctionnement du roulement.

Selon le modèle SKF, le moment de frottement total à l’intérieur du roulement est déterminé par la formule:

Mseal = moment de frottement dû aux joints frottants
Mdrag = moment de frottement dû au brassage de l’huile
Le modèle peut donner lieu à des courbes de Stribeck types, comme lors de mesures de frottement, avec un frottement relativement élevé dans la zone de faible vitesse (ou faible viscosité), puis une zone de faible frottement dû à la constitution du film d’huile à des vitesses supérieures. Lorsque le film épaissit sous l’effet de vitesses encore plus élevées, le frottement par roulement devient prédominant, entraînant une augmentation du moment de frottement jusqu’à ce que l’épaisseur du film diminue à nouveau sous l’effet de la quantité de lubrifiant en amont du contact et de la chaleur due au cisaillement d’entrée. Le couple de démarrage du roulement peut être calculé en indiquant zéro pour la vitesse. Le frottement provient alors uniquement du glissement et des joints.

Sélection de la viscosité du lubrifi ant

Les résultats de l’équation (3) permettent de représenter séparément les différentes sources de frottement pour un roulement à rotule sur rouleaux ouvert (sans joint), lubrifié par un bain d’huile de très haute viscosité.
À des vitesses très faibles, on observe une petite zone de pertes par glissement élevées en raison de l’interaction d’aspérités ; ces pertes de puissance diminuent très rapidement (à mesure que le film se constitue) avant de se stabiliser. En revanche, les pertes par roulement partent de zéro (à vitesse nulle) et augmentent pour devenir rapidement prédominantes et atteindre leur valeur maximale à environ 500 tr/min. Alors que la vitesse continue d’augmenter, le frottement par roulement décroît sous l’effet de l’insuffisance cinématique et/ou de la chaleur due au cisaillement d’entrée, signe indubitable d’une viscosité excessive dans l’application. Les facteurs et sont alors déterminants: en observant ce comportement, les ingénieurs peuvent préconiser une viscosité moins élevée pour l’application.
Le comportement opposé, avec un roulement et des conditions de fonctionnement similaires mais un lubrifiant de très faible viscosité, peut également être expliqué. Dans ce cas, les pertes par glissement dominent sur pratiquement l’ensemble du spectre de vitesse. Lorsque la vitesse augmente, certes, les pertes par glissement diminuent, mais pas assez rapidement. En revanche, les pertes par roulement sont très faibles en comparaison ; le film est si mince que le glissement dû à l’interaction d’aspérités devient prédominant. Un film lubrifiant insuffisant peut provoquer une défaillance du roulement. Les ingénieurs préconiseront une huile de plus forte viscosité pour cette application.

Effet des forces centrifuges et de la rotation

L’effet des forces centrifuges et de la rotation dans un roulement à billes à contact oblique peut également être estimé en appliquant le modèle à un roulement à bille à contact oblique ouvert, lubrifié à la graisse. Les pertes par glissement sont élevées à faible vitesse (interaction des aspérités), mais diminuent à mesure que la vitesse et l’épaisseur du film lubrifiant augmentent.
Toutefois, lorsque la vitesse atteint des valeurs élevées, les pertes par glissement augmentent à nouveau. Cette nouvelle augmentation est due aux forces centrifuges accrues en provenance des billes (augmentation de la charge et rotation au niveau des contacts bille-bague extérieure). Le modèle de frottement SKF tient compte des forces centrifuges pour certains types de roulements dans les variables Grr et Gslavec le symbole Fg.

Le modèle SKF, qui décompose le frottement en différentes sources et fournit d’autres informations sur le fonctionnement du roulement, s’avère ainsi un outil d’ingénierie précieux pour la sélection des roulements et la conception des applications.