Compétences en ingénierie

La simulation dynamique, outil d’élaboration de connaissances en développement de produits

BEAST est un puissant outil de simulation dynamique pour les roulements et autres systèmes mécaniques intégrant des contacts. Ce logiciel mis au point par SKF aide ses ingénieurs à élaborer des connaissances sur ses produits et à concevoir des produits adaptés à des applications toujours plus exigeantes.

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Résumé

BEAST fait partie de l’arsenal d’outils et connaissances utilisé par les ingénieurs SKF pour le développement des roulements et la conception d’applications. Outil de simulation dynamique de pointe pour les roulements et autres systèmes mécaniques intégrant des contacts disponible par le biais de SKF Engineering Consultancy Services, BEAST analyse les phénomènes qui apparaîtront en conditions réelles et prédit le comportement d’équipements complexes basés sur des roulements.

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SKF Beast

Les roulements sont des pièces mécaniques qui allient une précision et une capacité de charge élevées et de faibles niveaux de frottement, de vibration et de bruit. Les roulements sont couramment utilisés dans les machines depuis plus d’un siècle, ce qui a permis d’accumuler une vaste expérience concernant leur comportement en conditions opérationnelles stabilisées, comme par exemple la capacité de charge. Cependant, la plupart des phénomènes qui s’opèrent à l’intérieur des roulements sont dynamiques par nature et nous sommes loin d’avoir atteint le même niveau de compréhension en ce qui concerne ce comportement dynamique.

Pour étudier et prédire les phénomènes dynamiques, un outil de simulation dynamique est nécessaire. BEAST (BEAring Simulation Tool) en est un exemple. Il s’agit d’un outil de simulation multi-corps 3D, spécialisé précisément dans les calculs de contacts et, par conséquent, extrêmement utile pour les roulements et autres pièces mécaniques soumises à des contacts. Les Figures 1, 2 et 3 présentent quelques exemples de modèles créés sous BEAST concernant des produits dans lesquels les contacts sont importants. Cet outil traite simultanément la dynamique du système multi-corps, les déformations structurelles, l’équilibre thermique et les conditions locales de contacts lubrifiés. BEAST est utilisé pour optimiser la conception des produits, évaluer les performances selon différentes conditions d’application et analyser de manière approfondie les dommages et défaillances. Cet article décrit les principaux aspects des techniques sous-jacentes à l’outil et présente un cas d’application réelle.

Élaboration de modèles
Les modèles sont générés par un outil graphique (Fig. 4) qui permet à l’utilisateur de créer en partant de zéro ou d’importer, relier et combiner des modèles issus d’une bibliothèque de modèles et éléments de base prédéfinie, incluant des entités CAO générales. Des éléments existants peuvent être copiés ou exportés en vue d’une utilisation ultérieure.

Pour représenter et stocker le modèle, un langage polyvalent, doté d’une notation stricte et d’une grammaire, est utilisé. Les catégories de base sont les suivantes :

  • corps intégrant des surfaces et systèmes de coordonnées ;
  • connexions entre des corps présentant des contacts entre des surfaces et liaisons (par exemple matrices de rigidité/amortissement) entre les systèmes de coordonnées ;
  • modèles, incluant les systèmes de coordonnées, corps et autres modèles (hiérarchie de modèles par ex.).

Des paramètres définissables par l’utilisateur peuvent être définis à différents niveaux du modèle. Ils peuvent être définis comme expressions d’autres paramètres. La recherche de paramètres suit la hiérarchie des modèles. Des paramètres configurables types, ou leurs expressions, sont utilisés pour toutes les entrées de données. Cela facilite la construction de modèles, la réexploitation d’éléments de modèles, l’utilisation de paramètres de conception standardisés et les études de paramètres.

La description géométrique est très générale, des détails peuvent être spécifiés. La raison en est que des petites caractéristiques peuvent se traduire par des différences de performance des roulements relativement importantes, par exemple en termes de stabilité des rouleaux ou de distribution de la pression de contact. Les effets de variations géométriques à petite échelle, comme la rugosité de surface, sont pris en compte dans le modèle tribologique.

Un roulement fait toujours partie d’une machine. En fonction des données disponibles sur les conditions limites, certaines parties de la machine peuvent également être modélisées. BEAST fournit des modèles polyvalents pour les connexions, appelées liaisons, qui permettent une modélisation réaliste des applications réelles. Si les conditions limites sont représentées par des modèles disponibles dans d’autres outils, la co-simulation peut être utilisée pour connecter ces modèles.

Calculs de force de contact
Le modèle de force de contact est l’élément majeur de tout modèle de simulation de roulements. Les exigences relatives au modèle de contact sont considérables en ce qui concerne la vitesse de calcul, la généralité, la stabilité et l’exactitude. Un modèle de contact élastique dans BEAST inclut des effets élastiques tridimensionnels de géométrie arbitraire. Ce modèle, qui a été vérifié par rapport à des modèles basés sur la méthode des éléments finis (EF) et des expériences, fournit une solution exacte pour des contacts hertziens.

L’influence de la lubrification est basée sur un modèle de contact à lubrification élasto-hydrodynamique (EHL). Le frottement dépend des propriétés du lubrifiant, de la séparation et de la rugosité de surface.

Flexibilité et équations thermiques
Dans BEAST, la déformation détaillée du contact est séparée de la déformation structurelle – autrement dit, les corps flexibles font office de condition limite pour le modèle du contact. Pour les corps structurellement flexibles, des modèles restreints, forme globale ou synthèse modale de composants sont utilisés.

Le mouvement du corps rigide est séparé de la flexibilité de sorte qu’une déformation structurelle n’entraîne pas de déplacement ou de rotation du centre de gravité. Il en résulte une bonne représentation de la flexibilité et du mouvement notable arbitraire d’un corps flexible.

Pour la technique de la synthèse modale de composants (CMS), un certain nombre de formes sont calculées selon la méthode des EF. Il est essentiel que l’utilisateur dispose de formes modales adaptées pour pouvoir représenter l’application avec exactitude. BEAST fournit actuellement des formes de déformation statique sur surfaces, des formes de charge statique sur surfaces ou points, des formes modales centrifuges et des modes propres libres et contraints.

Les équations thermiques sont résolues selon la même technique que celle décrite ci-dessus pour la flexibilité. Toutefois, pour les modes de déformation thermomécanique couplés, la déformation est créée à partir du champ de température.

L’utilisateur peut définir la combinaison d’analyses à effectuer pour chaque corps individuel. Pour les calculs thermiques, l’utilisateur a également la possibilité d’accélérer les équations, ce qui est très pratique car il s’agit d’un phénomène très lent.

Phénomènes de surface
De nombreux phénomènes importants qui s’opèrent à la surface d’un contact, comme l’usure, la corrosion de contact, le grippage, le glissement, les contraintes en sous-couche, la fatigue, etc. peuvent être simulés dans BEAST. Le point de départ pour simuler ces phénomènes est fourni par les données relatives à la surface du contact (pression, cisaillement, épaisseur du film, puissance, etc. à chaque instance) tirées du modèle du contact.

L’usure est un mode de défaillance important dans les contacts qui présentent un glissement significatif et une séparation insuffisante, comme c’est parfois le cas des contacts de la cage. Le modèle d’usure englobe l’usure par adhésion, l’usure par abrasion (incluant les particules) et l’effet de la séparation. Le modèle d’usure modifie en fait la géométrie de la surface lors de la simulation.

Il existe des modèles plus détaillés des phénomènes en surface qui résolvent la rugosité en détail. Leur traitement s’avère cependant beaucoup trop coûteux lors de la simulation dynamique. En revanche, ils peuvent être exécutés lors de l’étape du post-traitement, à partir des conditions limites d’un contact tirées de la simulation dynamique, puis l’analyse détaillée à l’instance temporelle choisie sera ensuite effectuée.

DfSS, études paramétriques et optimisation
Les outils BEAST prennent en charge la méthodologie Design for Six Sigma (DfSS). Les simulations dans BEAST sont effectuées pour la plupart dans le cadre d’études paramétriques ou de cycles d’optimisation. Des outils sont pris en charge pour permettre de concevoir des expériences, définir les critères de performance à partir des données de sortie BEAST, créer des fonctions de désirabilité multicritères et lancer l’étude paramétrique complète sur une grappe d’ordinateurs. En ce qui concerne le post-traitement, plusieurs types d’analyses sont pris en charge : graphiques parallèles, fronts de Pareto et fonctions de réaction.

Exemple d’application : les roulements auxiliaires pour machines sur paliers magnétiques actifs
Les paliers magnétiques actifs (PMA) sont typiquement utilisés dans des systèmes à arbre tournant dans lesquels l’arbre est supporté par des forces magnétiques. En fonctionnement normal, les rotors sont en lévitation et n’entretiennent aucun contact physique avec la structure de support. Les éléments magnétiques sensibles sont protégés par des roulements auxiliaires (généralement un jeu de roulements à billes à contact oblique ou un roulement rigide à billes). Ces roulements présentent normalement un jeu entre la bague intérieure et l’arbre qui est inférieur au jeu entre les éléments magnétiques. Lorsque l’arbre en rotation atterrit sur les roulements auxiliaires, ceux-ci sont soumis à des charges d’impact élevées et des accélérations rapides. Trois machines différentes (rotors de 5 à 180 kg) ont été soumises à des essais d’atterrissage qui ont été simulés dans BEAST [1].

Le mécanisme de défaillance
Les roulements auxiliaires fonctionnent sur des périodes très restreintes, ce qui signifie qu’ils ne sont pas sujets aux défaillances classiques par fatigue de contact roulant. Les modes de défaillance sont plutôt liés à une dissipation d’énergie importante au niveau des contacts due à des vitesses de glissement et des charges élevées combinées à des conditions de lubrification médiocres.

Les principaux modes de défaillance sont par conséquent les suivants :

  • la charge au moment de l’impact pour engendrer des empreintes sur les pistes ;le mouvement orbital de l’arbre (tourbillonnement ou « whirl »), peut soumettre le roulement à des charges extrêmement élevées,
  • notamment en cas d’un mouvement en sens inverse de la rotation de l’arbre (« backward whirl ») ;
  • une accélération rapide peut entraîner une puissance de glissement élevée susceptible de causer des dommages par grippage.

Modélisation et vérification
Expériences d’atterrissage
Les roulements auxiliaires sont soumis à des « essais d’atterrissages » pour lesquels les paliers magnétiques sont désactivés de sorte que l’arbre vient prendre appui et tourner sur les roulements auxiliaires jusqu’à ce qu’il s’immobilise. L’opération est répétée jusqu’à ce que le nombre d’atterrissages requis soit atteint ou qu’une défaillance soit détectée. Lors des atterrissages, le mouvement de l’arbre est surveillé au moyen des capteurs de position intégrés. Les positions de l’arbre ont été utilisées pour vérifier les simulations des essais dans BEAST.
À l’issue des épreuves, les roulements auxiliaires sont examinés à la recherche de dommages.

Modélisation dans BEAST
Un certain nombre de configurations de roulements auxiliaires ont également été modélisées et simulées dans BEAST. La nature dynamique des essais d’atterrissages fait de BEAST l’outil le plus approprié pour une appréciation optimale des conditions auxquelles sont soumis les roulements de retenue.

Le modèle BEAST est constitué des éléments suivants :

  • le système d’arbre, modélisé selon le niveau de détail requis pour obtenir les propriétés dynamiques exactes du rotor, comme la masse, les moments d’inertie et la flexibilité, si besoin ;
  • les roulements auxiliaires, constitués normalement d’une paire de roulements à contact oblique à billes jointives préchargés par ressorts. Tous les éléments des roulements et les contacts sont modélisés en détail ;
  • les roulements sont montés avec jeu dans le logement. Dans BEAST, cette caractéristique est modélisée avec une paire de liaisons ressorts et amortisseurs ;
  • les contacts entre les bagues intérieures et bagues d’atterrissage de l’arbre sont modélisés en détail.

Banc 7 axes
Ce banc tire son nom des sept axes du support magnétique : trois paliers radiaux (deux axes chacun) et un palier axial. Le rotor, constitué de plusieurs éléments, présente une longueur de 2 m et un poids de 200 kg, il est en outre relativement flexible (Fig. 5). Le montage de roulements en fait une application hyperstatique. Le banc constitue une version à échelle réduite d’un compresseur de gaz naturel. Même après désactivation des paliers magnétiques, une charge axiale dépendante de la vitesse est exercée en provenance de l’étage du compresseur.

Un certain nombre d’essais d’atterrissage ont été réalisés. À chaque essai, l’arbre à pleine vitesse sans freinage externe quitte l’état de lévitation pendant 5 secondes. La charge axiale génère très rapidement un mouvement de tourbillonnement (vers l’avant) au niveau de toutes les positions de roulements. On observe une bonne concordance entre les essais et les simulations.
D’autres informations peuvent être fournies par le spectre fréquentiel. La fréquence de tourbillonnement principale, 110 Hz, est clairement visible (Fig. 6).

Résultats relatifs aux roulements
Le comportement macroscopique décrit jusqu’ici pourrait être reproduit dans d’autres logiciels spécialisés de simulation. Cependant, si l’intérêt se porte sur les conditions internes dans les roulements de retenue, BEAST offre dans ce cas des possibilités inégalées. Tous les contacts peuvent être étudiés en détail : pression de contact, conditions de glissement, perte de puissance et risque de dommages par grippage, par exemple.

Les contacts les plus intéressants se situent entre la bague intérieure des roulements de retenue et les manchons de retenue du rotor, sans oublier les contacts à l’intérieur des roulements, comme les contacts entre bagues et billes et les contacts entre les billes (billes jointives).

En début d’épreuve, les roulements à billes sont fixes tandis que le rotor tourne à une vitesse de 20 000 tr/min. Le roulement, qui est chargé axialement et radialement, accélérera le plus vite.

Contacts entre les billes et les bagues
Les pressions de contact dans les contacts entre les billes et les pistes sont représentées sur la Fig. 7 pour le jeu de roulements qui assure la reprise de la charge la plus élevée. Il s’agit du plus petit jeu de roulements ; il supporte aussi bien des charges radiales qu’axiales. La pression de contact est suffisamment élevée pour entraîner des effets néfastes.

Même en présence de pressions de contact inférieures, la génération d’une perte de puissance ou le risque de grippage peuvent constituer des paramètres de dimensionnement.

La perte de puissance due au grippage par unité d’aire est représentée sur la Fig. 8 pour le jeu de roulements qui présente des niveaux les plus élevés, suffisamment élevés pour entraîner des effets néfastes. Au bout d’un certain nombre de retombées, le roulement subi une défaillance due à une surchauffe et un grippage. Les pistes de la rangée la plus chargée ont été sévèrement déformées et décolorées.

Conclusion
Les simulations dans BEAST devaient permettre de mieux comprendre les applications et les conditions auxquelles sont soumis les roulements auxiliaires dans le but de concevoir des systèmes plus robustes capables de supporter un nombre d’atterrissages de l’arbre plus important. Des modèles BEAST des différents bancs d’essai ont permis de modéliser le comportement global avec une grande exactitude et de prédire les roulements susceptibles de présenter des défaillances. Cela a permis d’analyser aussi bien le comportement macroscopique, c’est à dire la dynamique du rotor, que les performances détaillées des roulements. Les modèles se sont révélés adaptés à une vaste gamme de rotors différents de toutes dimensions. Les résultats de l’ensemble de l’étude ont permis à l’équipe de conception de définir les paramètres décisifs relatifs aux roulements de retenue et à leur application.  L’étude a livré des données sur les limites théoriques relatives à un certain nombre de paramètres, comme la pression de contact maximale, le frottement du roulement, le développement de la perte de puissance par grippage et les conditions de montage avec jeu. Ces paramètres peuvent être calculés à partir des simulations, ce qui permet aux développeurs des roulements et du système de disposer d’informations utiles pour mettre au point des produits robustes.

BEAST est un logiciel de simulation dynamique spécialisé dans l’analyse des systèmes mécaniques intégrant des contacts. Il peut être utilisé pour la conception et le développement de roulements à billes, mais aussi pour l’analyse de systèmes complexes dans lesquels des roulements jouent un rôle important. Bien que BEAST soit un programme maison de SKF destiné à un usage en interne, les clients de SKF peuvent bénéficier de sa puissance par l’intermédiaire de SKF Engineering Consultancy Services.

Références
[1] J. Anders, L.-E. Stacke et P. Leslie : « Rotor drop simulations and validation with focus on internal contact mechanisms of hybrid ball bearings ». Actes de l’ASME Turbo Expo, San Antonio, Texas, USA, 3-7 juin 2013.