Du circuit à la route
Si le sport automobile influence depuis longtemps la conception des véhicules routiers sur le plan de l’esthétique et des performances, les conditions extrêmes des essais en Formule 1 jouent aujourd’hui un rôle décisif dans le développement des technologies sobres en énergie.
Depuis 2009, les écuries de Formule 1 rabotent leurs chronos de quelques dixièmes de seconde grâce à la technologie SREC (Système de Récupération de l’Énergie Cinétique), laquelle récupère l’énergie générée par le freinage et la réinjecte pour atteindre une plus grande vitesse. Cette année, cette technologie équipera six autobus londoniens, non pas pour accroître leur vitesse, mais pour réduire leur consommation de carburant et leurs émissions. Si ces avancées dans le domaine du sport automobile sont le plus souvent appliquées aux véhicules produits en série, jamais le transfert de technologies n’a été aussi rapide ou n’a eu d’implications aussi importantes. « Dans le contexte économique actuel, la F1 joue un rôle crucial dans le développement des technologies automobiles », affirme Kirsty Andrew, responsable des opérations commerciales chez Williams Advanced Engineering, entreprise qui commercialise la technologie de l’écurie Williams. « La F1 excelle à adopter les nouvelles technologies et à les faire rapidement progresser dans les conditions extrêmes de la course automobile. »
Sur les circuits, les monoplaces Williams bénéficient d’un gain de puissance grâce à une version batterie du système SREC. Cette technologie commence à séduire l’industrie automobile, elle est montée sur la supercar hybride Jaguar C-X75 actuellement en cours de développement.
L’écurie a également mis au point un SREC par volant d’inertie, lequel est installé sur les autobus urbains. « Ce système peut réduire la consommation d’énergie et, par voie de conséquence, les émissions en recyclant l’énergie générée par le freinage fréquent des bus, poursuit Kirsty Andrew. La technologie F1 est exploitée de manière légèrement différente, mais les principes de base restent les mêmes. » Les économies de carburant peuvent aller jusqu’à 20 %.
Le transfert technologique du sport automobile à la conception de véhicules routiers est lié à l’esthétisme et aux performances. Ainsi, les éléments que Steve Harper, concepteur de voitures pour la route et les circuits, a ajoutés pour accroître les performances sportives ont été intégrés à des modèles des marques Ford et Volvo : « La Ford Escort Cosworth a été la première voiture de série munie de spoilers à l’avant et à l’arrière, et nous avons passé beaucoup de temps en soufflerie à parfaire ses performances aérodynamiques. Chaque voiture de production que j’ai conçue depuis a exploité les connaissances acquises sur la Cosworth en matière de conception de calandres ou d’entrées d’air. »
Dans les années 1980, Volvo avait la réputation de produire des « caisses à savon ». Aujourd’hui, ses modèles sont admirés pour leurs lignes pures et sportives. Steve Harper fait remonter ce changement à la participation du constructeur suédois au championnat britannique des voitures de tourisme au début des années 1990.
Dans l’habitacle, l’influence de la course automobile sur les voitures particulières perdure. « Avant, l’intérieur classique était en bois et en cuir. Aujourd’hui, il est en aluminium et en fibres de carbone. Qu’il s’agisse du choix des matériaux ou des palettes de la boîte de vitesses, l’idée est de permettre aux conducteurs de se prendre pour Michael Schumacher. »
L’entreprise Titan Motorsport and Automotive Engineering produit des pièces en métal pour les voitures de course et les voitures particulières haute performance. Zoe Timbrell, sa responsable marketing, précise que les pièces pour les deux applications peuvent être fabriquées à partir du même matériau… et sur le même modèle. « Avec l’industrie automobile, nous réduisons les coûts par l’ingénierie ; avec le sport automobile, nous intégrons la performance. »
À l’instar du système SREC de Williams, les technologies Titan qui remplissent une fonction particulière en course peuvent en remplir une autre dans l’industrie. « En sport automobile, l’objectif, c’est d’aller plus vite, reprend Zoe Timbrell. Dans l’industrie, c’est de consommer moins de carburant. On peut atteindre ces deux résultats avec les mêmes solutions. »
Clive Temple, responsable du programme de management et d’ingénierie sports mécaniques à l’université de Cranfield au Royaume-Uni, fait remarquer que la plupart des équipementiers s’impliquent davantage dans la course automobile pour le marketing que pour la recherche-développement. Néanmoins, ajoute-t-il, Audi a tiré parti de sa participation aux épreuves d’endurance pour affiner la technologie diesel pour ses voitures de série : « Longtemps on a associé le diesel aux taxis et aux poids lourds. Mais, ces derniers temps, Audi a adapté la technologie à toutes ses voitures, y compris celles de luxe et de sport. Il y a là une démarche marketing indéniable, mais aussi un aspect technologique en termes de perfectionnement du moteur et de la chaîne cinématique diesel. »
Dans le même temps, il constate que les règlements de la course automobile, édifiés pour accentuer le côté spectacle, limitent souvent le transfert de technologie : « Les voitures de tourisme de course ne sont même pas équipées de systèmes anti-blocage des roues alors que la plupart des voitures particulières le sont. »
Kirsty Andrew de Williams F1 estime que le système SREC adapté sur les autobus londoniens pourrait être appliqué aux voitures également : « Son prix devra baisser, mais c’est tout à fait possible. »
Transfert de technologie express
À partir de la saison 2014, les monoplaces de F1 devront être équipées de moteurs turbo V6 plus petits et de nouveaux systèmes de récupération d’énergie. SKF est appelé à jouer un rôle déterminant dans le développement de ces technologies, lesquelles pourraient être adaptées aux voitures particulières d’ici quelques années.
Jean-Sylvain Migliore, responsable de SKF Racing : « En raison des impératifs élevés en matière de vitesse, températures et lubrification, les roulements sont des composants stratégiques du SRET [Système de Récupération de l’Énergie Thermique] et du SREC [Système de Récupération de l’Énergie Cinétique). Nous sommes donc très impliqués au niveau système. Nous en retirerons beaucoup d’expérience que SKF peut appliquer à des solutions pour l’industrie automobile. »
Il en va de même pour le nouveau moteur turbo électronique prévu pour la F1. « Avec le turbo – et encore plus qu’avec le SREC, on aura très vite beaucoup de connaissances à transférer aux véhicules particuliers. Il est capital de transmettre rapidement la technologie entre SKF Racing et l’ensemble de la communauté automobile SKF. »
Le banc d’essai suprême
On peut trouver des solutions SKF dans presque toutes les voitures prenant le départ d’une course de F1. Il n’existe pas de meilleur banc d’essai pour les nouveaux matériaux, caractéristiques, lubrifiants et solutions.
Jean-Sylvain Migliore, responsable de SKF Racing : « Notre principale mission est de transférer la technologie des sports mécaniques à nos collègues SKF qui développent des solutions pour les constructeurs automobiles et les équipementiers. Les conditions extrêmes du sport automobile constituent un moyen très rapide et efficace de tester les nouveautés. Ces innovations peuvent ensuite être intégrées aux voitures de série ou utilisées dans d’autres secteurs en cinq à dix ans. »
SKF est impliqué dans les sports mécaniques depuis presque un siècle. Le Groupe fournit des solutions aux écuries et fabricants d’équipements dédiés du monde entier. SKF Racing est liée à l’écurie Ferrari par un partenariat technique depuis 65 ans. Elle est également partenaire d’écuries participant à des épreuves de rallye, de voitures de tourisme de course, de la NASCAR et d’autres catégories.