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La maintenance conditionnelle sur les rails

Le plus grand opérateur ferroviaire de Grande-Bretagne, Govia Thameslink Railway (GTR), a installé un système de maintenance conditionnelle conçu par SKF pour permettre d’éviter les interventions de maintenance non planifiées et les perturbations du trafic ferroviaire qu’elles entraînent.

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La maintenance joue un rôle déterminant pour toute entreprise ferroviaire car elle permet d’assurer les dessertes et d’éviter les éventuelles réparations imprévues et coûteuses. Les procédures d’inspection et de maintenance réactive sont vitales pour la sécurité du trafic ferroviaire et celle de tous ceux qui voyagent et travaillent dans ce secteur.

La maintenance conditionnelle a fait ses preuves dans d’autres secteurs d’activité en tant que technologie clé réduisant les coûts de maintenance et prolongeant les intervalles entre chaque intervention grâce à la détection précoce d’éventuelles défaillances des roulements. Afin de répondre spécifiquement aux besoins uniques de l’industrie ferroviaire, SKF a conçu son propre système de maintenance conditionnelle, SKF Insight Rail.

« L’industrie ferroviaire est considérée comme la dernière frontière en matière de maintenance conditionnelle, explique Ivan Rochford, responsable maintenance conditionnelle ferroviaire Europe chez SKF. La technologie avait du mal à être acceptée en raison de la complexité des systèmes de mesure traditionnels. »

SKF a surmonté cet obstacle grâce à une solution non intrusive qui peut être facilement installée sur l’ensemble du matériel roulant en peu de temps. Appliquer la maintenance conditionnelle au chemin de fer est problématique, car le matériel est soumis à des chocs et des vibrations de forte intensité. Pour que cette technologie soit acceptée par le secteur, « il faut un produit qui réponde aux besoins en matière de robustesse et de facilité d’installation et d’utilisation. Il est simplement impossible d’intégrer un produit préexistant dans l’application ferroviaire. »

Govia Thameslink Railway

Govia Thameslink Railway (GTR) est le plus grand opérateur ferroviaire du Royaume-Uni. Il exploite les réseaux Thameslink, Great Northern, Southern et Gatwick Express. Il fait partie de Govia, qui est le fruit d’un partenariat entre le groupe Go-Ahead et Keolis. GTR a pris en main la gestion des réseaux en septembre 2014. Avant la pandémie, il assurait 19 % de l’ensemble des transports de voyageurs par chemin de fer au Royaume-Uni, gérant 239 gares et 341 millions de voyages par an. Govia, qui emploie 7 000 salariés dans ses quatre entreprises ferroviaires, vient d’achever un programme d’investissement de deux milliards de livres portant sur 1 500 nouvelles voitures et l’introduction de trains de classe 700 sur les réseaux Thameslink et Great Northern.

Maintenance compliquée

SKF a l’occasion de tester son système de maintenance conditionnelle pour la première fois au Royaume-Uni quand GTR doit faire face à des problèmes rencontrés par son matériel roulant très diversifié et performant. Ce matériel est l’épine dorsale du transport ferroviaire dans le sud-est de l’Angleterre, un grand nombre de véhicules circulent chaque jour sur ce réseau à trois rails.

Le marché ferroviaire est confronté à de nouveaux défis importants que SKF est prêt à aider à relever.
Daniele Santomassimo, ingénieur commercial chez SKF

« GTR fait appel à des techniciens en systèmes embarqués depuis de nombreuses années pour limiter les défaillances de roulements, indique Peter Cooper, ingénieur matériel roulant chez GTR. Malgré ces mesures, l’entreprise a été confrontée à plusieurs situations critiques, lesquelles ont entraîné l’immobilisation d’un véhicule pendant quelques mois pour réparation. »

Heureusement, en 2017, GTR teste déjà sur le terrain les capteurs intégrés Insight SKF. « GTR est connu au Royaume-Uni pour être un opérateur ferroviaire tourné vers l’avenir et désireux d’investir dans la technologie en vue d’améliorer à terme les performances et la fiabilité de son matériel roulant », précise Daniele Santomassimo, ingénieur commercial chez SKF qui a travaillé en étroite collaboration avec l’entreprise sur l’installation du système de maintenance conditionnelle.

Une boîte d’essieux est retirée pour remplacer un roulement endommagé qui a été détecté par un capteur Insight Rail.

L’effet du troisième rail

L’installation de SKF Insight Rail sur les véhicules de GTR est rendue particulièrement compliquée par la présence d’un troisième rail destiné au captage du courant sur le réseau ferroviaire aérien de Londres. Sa présence crée un environnement électromagnétique agressif dont doivent s’accommoder les capteurs du système. Les deux entreprises ont travaillé étroitement pour arriver à une solution satisfaisante.

« On n’avait pas prévu l’effet du troisième rail sur le fonctionnement de nos capteurs, se souvient Ivan Rochford. Le champ magnétique associé au troisième rail déclenchait l’activation magnétique des capteurs. Ceux-ci étant alimentés par batterie, on a réduit à dessein et au minimum le nombre de tentatives de communication. Cependant, l’interférence magnétique forçait tous les capteurs à communiquer avec le serveur, ce qui vidait leurs batteries. En peu de temps, les 32 capteurs avaient cessé de fonctionner. Un vrai désastre ! »

SKF ne dissimule pas le problème rencontré et travaille d’arrache-pied pour le résoudre. Les deux entreprises coopèrent depuis plusieurs années sur le montage et le démontage des roulements et ont noué de bonnes relations. Une solution est rapidement trouvée, l’activation magnétique est remplacée par une activation de communication en champ proche (technologie sans fil à courte portée). Selon Ivan Rochford, « cela ressemble beaucoup au mécanisme sans contact utilisé pour les paiements par carte bancaire. Tous les capteurs ont été remplacés en six semaines seulement et les essais ont repris. » Suite au succès de ces derniers, plus d’un millier de capteurs sont installés.

Les opérateurs utilisent une application sur leur iPad pour connecter des capteurs spécifiques à l'endroit où ils sont montés.

Les bienfaits du nouveau système

« L’avantage est qu’on peut s’appuyer sur les capteurs et sur le contrôle mécanique des roulements, se félicite Peter Cooper de GTR. Après une analyse des modes de défaillance les plus récents, on a installé des capteurs aux endroits les plus critiques du matériel roulant. Ils sont faciles et rapides à installer et à mettre en service. Les véhicules de GTR comptant 5 536 extrémités d’essieux au total, le montage devait être simple. Dès qu’un technicien signale un problème sur un roulement, on installe les capteurs SKF Insight sur le bogie concerné, et cela nous permet de nous assurer qu’on peut continuer à faire rouler le véhicule. Une fois que SKF a identifié lequel des quatre essieux équipés est fautif, on peut intervenir sur le véhicule de manière proactive sans impacter la disponibilité du matériel roulant. »

Daniele Santomassimo de SKF souligne d’autres avantages du passage à la maintenance conditionnelle, notamment la possibilité de comprendre les types de défauts survenant sur les roulements : « Lorsque les modes de défaillance sont clairs, il est possible de modifier la conception en fonction de l’application afin d’augmenter la fiabilité de l’essieu ferroviaire. Le passage du courant électrique est l’un des défauts dominants observés et un phénomène bien connu dans le secteur. »

À court terme, les économies découleront principalement de l’amélioration des commandes de matériel et la réduction des interventions de maintenance non planifiées. À plus long terme, le client pourra mettre en place un programme de maintenance conditionnelle en vue de minimiser les coûts d’exploitation des trains. Toutefois, confie Daniele Santomassimo, « la majeure partie des économies, à mon avis, viendront de la possibilité de surveiller en permanence un composant stratégique du matériel roulant afin d’éliminer les arrêts imprévus et d’augmenter la disponibilité des trains. »

SKF Insight Rail

SKF Insight Rail est un système de surveillance sans fil auto-alimenté destiné aux bogies de voitures voyageurs. Il est associé à un service d’analyse à distance pour identifier les défauts de roulements.

Les capteurs qui mesurent la température et les vibrations peuvent être montés sur le couvercle d’une boîte d’essieux en moins d’une minute. Il suffit de retirer l’un des boulons de fixation du couvercle de la boîte d’essieu et de fixer le capteur SKF Insight avec un boulon plus long de 20 mm. Le capteur est un composant unique qui fonctionne en toute autonomie : aucun autre équipement ou accessoire n’est donc nécessaire. Il transmet les données au cloud SKF par l’intermédiaire du réseau de téléphonie mobile.

Les vibrations et la température sont mesurées toutes les deux. Les vibrations sont un paramètre de mesure clé pour la détection précoce d’éventuelles dégradations des roulements. Une fois que le roulement s’échauffe, la défaillance risque de se produire en peu de temps. Les données transmises par les capteurs sont analysées automatiquement pour détecter les signes de dégradation des roulements. Un analyste expert en vibrations vérifie les données pour confirmer la détection et, en cas de réels symptômes de dégradation, il ou elle envoie au client un rapport qui contient un diagnostic et une liste d’actions recommandées.

Le produit a été lancé fin 2017 à la suite d’essais draconiens menés auprès de clients en Suède, en Espagne, en Italie et en Russie. Il est maintenant en service dans plus de 25 pays sur trois continents et a été installé sur 28 classes de trains différentes.

Le tableau de bord permet aux opérateurs d'accéder facilement et instantanément aux données.

L’avenir

GTR étudie la possibilité de monter la solution de surveillance SKF Insight sur une autre partie de son matériel roulant. « Le réseau à trois rails est exigeant pour les roulements, rappelle Peter Cooper de GTR. Je pense que notre secteur d’activité doit non seulement améliorer la surveillance des roulements afin de vérifier ceux-ci avant toute défaillance catastrophique, mais aussi trouver des solutions pour allonger leur durée de vie. »

Daniele Santomassimo ajoute que dans le contexte actuel de la COVID-19, la pression s’est accrue sur les opérateurs du Royaume-Uni pour qu’ils assurent un trafic fiable, ponctuel et rentable : « Le marché ferroviaire est confronté à de nouveaux défis importants que SKF est prêt à aider à relever. »