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Transfert de compétence

La fiabilité pilotée par l’opérateur a permis de réduire les arrêts non planifiés dans une papeterie de Stora Enso à Varkaus, en Finlande. La technologie a un rôle à jouer, mais le principal reste l’organisation du travail.

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La fiabilité pilotée par l’opérateur a permis de réduire les arrêts non planifiés dans une papeterie de Stora Enso à Varkaus, en Finlande. La technologie a un rôle à jouer, mais le principal reste l’organisation du travail.

Affaires

Timo Jurvanen de l’usine de pâte et papier Stora Enso de Varkaus, en Finlande, a été intéressé par la fiabilité pilotée par l’opérateur (ODR) dès qu’il en a entendu parler. Chef de production de la machine
n° 3, il avait déjà beaucoup réfléchi sur les moyens d’éviter les pannes soudaines et les arrêts non planifiés. À l’époque, en 2009, le site devait absolument améliorer ses performances et il fallait obtenir des résultats très vite. « On cherchait un outil et une méthode de travail qui incluraient tout le monde, pas seulement les responsables de la maintenance. »

Le programme ODR de SKF est une approche de la maintenance et de la fiabilité qui implique les opérateurs, contrairement à ce qui s’est fait jusqu’à présent. Le principe est de leur confier des tâches de maintenance, libérant ainsi les véritables spécialistes pour qu’ils se consacrent à l’analyse et à la planification. C’est avant tout une question d’organiser le travail autrement. « L’ une des raisons qui nous a poussés à tenter le coup, c’est que c’était facile à mettre en place », confie Timo Jurvanen.

Avec l’ODR, les opérateurs suivent systématiquement un parcours prédéfini, relèvent les données machine et procèdent au contrôle visuel d’équipements clés. Un groupe de pilotage a jeté les bases, et les cinq équipes ont suivi une initiation théorique de deux heures plus une présentation technique de deux heures in situ. Ensuite, il a suffi de lancer le processus et de l’affiner en chemin. « L’ODR s’intègre très bien dans la stratégie de Stora Enso portant sur la maintenance par les opérateurs car les deux mettent l’accent sur l’implication de ces derniers dans les phases de définition et de développement », souligne Mikko Nieminen, responsable développement qui coordonne la maintenance par les opérateurs au sein des papeteries finlandaises du groupe. « Elle nous permet également de leur fournir un outil de pointe mais d’utilisation simple pour relever et stocker les informations. »

Lors de notre récente visite, une heure avant la fin de l’équipe du matin, l’opérateur Pasi Mahrberg prépare son inspection du jour dans la salle de commandes. Son collecteur de données portable indique que six machines doivent être contrôlées. Nous le suivons quelques instants le long de la chaîne de production très ordonnée mais bruyante et surchauffée jusqu’à une pièce remplie de bassins réservés à la réutilisation des eaux de process. À côté de l’un des bassins se trouve un groupe motopompe électrique. Sur le carter, plusieurs marques. Pasi Mahrberg pose son détecteur d’état sans fil (WMCD) sur l’une des marques pour récupérer les données par Bluetooth. « On a toujours vérifié le matériel, mais, avant, on n’avait pas de tels outils pour mesurer le niveau des vibrations et la température, explique l’opérateur qui travaille depuis
26 ans à l’usine. Maintenant, on le fait de manière plus systématique. »

En une minute environ, la pompe est inspectée, contrôle visuel inclus, les données sont saisies et Pasi Mahrberg passe à la pompe suivante. Les quatre autres figurant au programme devront attendre un autre jour. « On n’est pas là pour éteindre des incendies. On s’en occupera quand on aura le temps. Notre priorité, c’est toujours la production de papier. »

À cette phase de la procédure, l’opérateur transfère les données sur le logiciel de maintenance conditionnelle SKF @ptitude Analyst. Tout écart avec les valeurs normales est examiné et, si nécessaire, signalé au logiciel de gestion de la maintenance de l’usine. Le planificateur de la maintenance décidera alors s’il faut prévoir une réparation ou des mesures et analyses supplémentaires. Les comptes rendus sont consignés dans le logiciel de gestion de la maintenance via lequel les opérateurs peuvent suivre le déroulement du suivi. De plus, Timo Jurvanen rencontre souvent les membres des équipes pour les informer en détail sur l’évolution des cas importants.

L’ODR a permis à Efora, le sous-traitant chargé de la maintenance (une joint-venture entre Stora Enso et ABB Services), de procéder autrement. « On perd désormais moins de temps dans les inspections et on peut se concentrer sur les équipements les plus critiques, précise Vesa Nyyssönen, analyste vibrations chez Efora. De ce fait, on se livre à des analyses plus pointues pour trouver l’origine des problèmes. »

Ses outils sont plus performants que les collecteurs de données portables des opérateurs et lui permettent de creuser davantage un problème. Il se sert, entre autres, d’une banque de données SKF
@ptitude Analyst qui incorpore un registre important de données machine, dont certaines remontant à 1996. « Je peux fonder mon analyse sur un historique complet. Certaines déviations sont parfois dues à la modification de la production et ne signifient pas forcément que quelque chose doit être réparé. »

Chacun des dix itinéraires d’inspection ODR prend une quinzaine de minutes. Ceci permet aux opérateurs de les intégrer dans leur emploi du temps sans faire d’heures supplémentaires. L ’investissement consenti pour mettre en route la procédure a été amorti dès le premier mois. « Le coût est minime par rapport aux avantages, estime Timo Jurvanen. Là n’est pas la question. »

Au cours des six premiers mois, une vingtaine de défaillances critiques potentielles ont été détectées, ce qui a contribué à réduire de 0,5 % le nombre d’arrêts non planifiés au cours de la première année. Stora Enso est en train de mettre en place l’ODR dans les autres unités de Varkaus ainsi que sur les autres sites finlandais du groupe. « J’espère que les autres usines l’adopteront aussi, plaide Juha Helkala, responsable de la maintenance de Stora Enso en Finlande. La maintenance par les opérateurs est l’une de nos stratégies et l’ODR est un bon outil dans ce cadre. »


La fiabilité pilotée par l’opérateur

Lorsque Stora Enso a mis en place la fiabilité pilotée par l’opérateur (ODR) sur son site de production de pâte et de papier de Varkaus, elle a collaboré étroitement avec la Division SKF Service en Finlande. Son ambition était de réduire les arrêts non planifiés de la machine à papier n° 3 et d’accroître la productivité.
« Nous avons formé un comité de pilotage qui a jeté les bases, et nous avons présenté le programme ODR à tout le monde, explique Jani Markkanen, spécialiste ODR chez SKF, qui planche sur le projet depuis sa création en 2009. Il est extrêmement important de ne rien cacher et de bien faire connaître les objectifs. »

Le programme ODR est à la base un moyen d’impliquer les opérateurs dans les activités de fiabilité en leur demandant de recueillir les données machine et de procéder systématiquement à des contrôles visuels. Ils observent les tendances et signalent les problèmes potentiels au planificateur de la maintenance, qui détermine un ordre de priorité et planifie les mesures à prendre. Ceci permet aux véritables spécialistes de la maintenance de se concentrer sur l’analyse de l’origine des pannes et la planification efficace de la maintenance.

SKF a joué le rôle de consultant et a fourni les principaux outils. Les opérateurs se servent du MARLIN, un collecteur de données portatif doté d’un WMCD (détecteur d’état sans fil). Les informations sont communiquées au logiciel de maintenance conditionnelle SKF @ptitude Analyst qui les stockent et les analysent. De plus, les spécialistes de la maintenance utilisent des analyseurs SKF Microlog en vue de réunir et d’analyser des données plus pointues sur place.

Comptes rendus et ordres de travail sont enregistrés dans le logiciel de gestion de la maintenance de l’usine. Tous ces documents forment une solide banque de données destinée au retour d’information des opérateurs, procédure qui est l’une des pierres angulaires de l’ODR. « La formule est des plus simples : technologie + processus + culture organisationnelle = résultats », estime Jani Markkanen.

Et ces résultats sont tangibles : pendant la première année d’application de l’ODR, les arrêts non planifiés ont baissé de 0,5 %, permettant de produire des tonnes de papier plutôt que de perdre des heures en arrêts machines peu rentables.