Marketing pour les extrovertis du Net
La jeunesse et l’aisance relative des internautes ainsi que le concept de gratuité ont fait des médias sociaux le terrain de chasse de prédilection des professionnels du marketing. Toutefois, tous ne maîtrisent pas encore tout à fait cet outil.
La jeunesse et l’aisance relative des internautes ainsi que le concept de gratuité ont fait des médias sociaux le terrain de chasse de prédilection des professionnels du marketing. Toutefois, tous ne maîtrisent pas encore tout à fait cet outil.
Affaires
On a vécu dans des fermes, puis dans des villes, maintenant on va vivre sur Internet ! » s’exclame l’acteur interprétant Sean Parker, l’un des pionniers de Facebook, dans la récente superproduction américaine The Social Network. Au printemps 2007, le réseau social fêtait une étape importante de son histoire : son 30 millionième adhérent. Quatre ans plus tard, il en compte 550 millions et en accepte 700 000 supplémentaires chaque jour. L’ensemble des membres des médias sociaux devrait dépasser le milliard cette année, classant la population de la sphère sociale numérique au troisième rang mondial après la Chine et l’Inde.
D’autres canaux tels que YouTube, Gowalla, Twitter et les projets collaboratifs comme Wikipedia sont désormais connus de tous dans le monde entier. Ils représentent des millions de visiteurs et des milliards d’heures passés devant l’ordinateur ou, de manière croissante, un téléphone intelligent ou autres appareils portables à haut débit.
Le nombre même de canaux a de quoi donner le vertige. Selon Wikipedia, les médias sociaux ont pour définition commune de mêler technologies et interaction sociale en vue de co-créer de la valeur.
Pour de nombreux professionnels de la communication d’entreprise, conseillers en com et Don Draper des temps modernes (le publicitaire de la série de télé Mad Men), l’émergence des médias sociaux a modifié l’équilibre des pouvoirs en matière de communication et de marketing. D’une activité unilatérale martelant des slogans par l’intermédiaire de canaux dominants et à grande portée, on est passé à une communication intervenant dans un milieu de plus en plus fragmenté où le groupe cible a tendance à répondre aux grandes entreprises. Et pas toujours d’un ton des plus polis.
D’autres sont moins enthousiastes sur la qualité des milliards de mégaoctets de contenu créés par les internautes. Dans son livre Le culte de l’amateur, Andrew Keen écrit : « De cette anarchie, il est soudain devenu apparent que ce qui gouvernent les innombrables singes qui s’extériorisent sur Internet, c’est la loi du Darwinisme numérique, la survie de celui qui fait le plus de bruit et qui a les idées les plus arrêtées. Dans ces conditions, le seul moyen de l’emporter sur le plan intellectuel est de faire de l’obstruction en permanence. »
Cette anarchie est l’une des raisons pour lesquelles le monde de l’entreprise hésite beaucoup à embrasser les réseaux sociaux. Les compagnies tâtent néanmoins le terrain. Courageusement, le constructeur automobile américain General Motors a lancé une campagne pour son modèle Chevy Tahoe, invitant les internautes à créer leur propre publicité et à la télécharger sur YouTube. Résultat ? Un grand nombre de vidéos dénonçant la menace que représente ce SUV énergivore pour le climat.
Si cette campagne sert couramment d’exemple classique pour démontrer les risques inhérents à confier une marque de grande valeur à des consommateurs imprévisibles, sa réussite ou son échec n’est pas encore avéré. L’une des règles d’or des médias sociaux est : mieux vaut créer un buzz que de passer inaperçu.
L’hésitation persistance des services de marketing se reflète dans les chiffres relatifs aux sommes investies dans la publicité sur les médias sociaux, affirme un rapport récent du cabinet-conseil Deloitte Canada. Malgré leur vaste audience, leurs recettes publicitaires continuent de ne représenter que moins de 1 % du total des dépenses effectuées dans la publicité dans le monde. Même si une multitude de blogueurs professionnels et de conseillers ayant grandi avec le numérique encouragent (contre rémunération) les entreprises à saisir ces nouvelles opportunités numériques, on prédit toujours que le média antédiluvien qu’est la télévision devrait demeurer le choix privilégié des commerciaux.
Il se pourrait qu’il s’agisse, dans bien des cas, d’une sage décision. Les internautes se connectent aux réseaux sociaux pour communiquer avec leurs amis, ils n’accordent que peu d’attention aux bannières publicitaires. Ils veulent dialoguer avec des êtres humains, pas avec des marques. « Nous passons le plus clair de notre temps à entretenir le dialogue sur ces médias et non à bombarder les utilisateurs de publicité », souligne Scott Monty, responsable des activités réseaux sociaux de Ford.
Le constructeur automobile est devenu plus astucieux quant à l’observation des règles spécifiques qui s’appliquent aux réseaux sociaux, comme le montre le lancement en Amérique de la Fiesta fabriquée en Europe. Ford a importé ce modèle du Vieux continent et recruté une centaine de particuliers rompus aux médias. En échange d’un prêt de six mois de la voiture (assurance et essence comprises), ces « agents » ont accepté de télécharger des vidéos de leurs aventures sur Internet et de tenir un blog. La campagne « Fiesta Movement » a créé un buzz et la voiture a été la plus remarquée dans son segment. « On peut donner au public un sujet de conversation, ajouter de la valeur à ses relations sociales tout en intégrant son produit ou sa marque », indique Petter Westlund, directeur de la création chez B-reel, société new-yorkaise élue récemment numéro 1 de la production numérique par le magazine professionnel Advertising Age. « Les médias sociaux peuvent vous aider à mieux percevoir ce qui interpelle les internautes dans les domaines liés à votre entreprise ou à votre produit. Cela peut vous fournir des occasions en or de réagir en exploitant des tendances ou des attitudes. Mais il existe beaucoup d’exemples de marques qui surestiment l’intérêt que le public leur porte. »
Et bien que le marketing dans les médias sociaux ait beaucoup progressé depuis l’âge d’or de la discipline sur Madison Avenue dans les années 1960, Don Draper approuverait cette valeur capitale énoncée par Petter Westlund : « La recette du succès, c’est toujours une bonne idée. Les médias sociaux, s’ils sont correctement orchestrés et avec un peu de chance, représentent un puissant levier d’amplification du bouche à oreille. »
Quelques conseils
1. Apprenez à mieux connaître votre groupe cible en passant du temps avec lui.
2. Investissez du temps et appliquez-vous à l’élaboration de votre histoire. Une bonne histoire est la base de tout succès.
3. Même si la plupart des canaux numériques sont gratuits, des relations sérieuses sur les médias sociaux exigent beaucoup de temps. Veillez à ce que votre entreprise dispose des ressources, de l’endurance et du pouvoir de décision nécessaires pour soutenir cet effort.
4. Un investissement réussi dans les médias sociaux repose sur la transparence. Votre entreprise est-elle prête à répondre à ses critiques les plus virulents et les mieux informées ? Si ce n’est pas le cas, abstenez-vous.