Écoresponsable, du circuit à la route
Vitesse et compétition sont les mots qui viennent inévitablement à l’esprit quand on évoque une Formule 1 de 1 000 ch. On pourra désormais ajouter la durabilité à cette liste. En effet, le moteur hybride actuellement utilisé en F1 est déjà le plus performant au monde : il développe plus de puissance tout en consommant moins de carburant et donc en émettant moins de CO2 que toute autre voiture. En fait, plusieurs composants antipollution des voitures de course présentent un fort potentiel d’application aux voitures de série. Certains ont d’ailleurs déjà fait le voyage.
Le saviez-vous ? Dans un virage, un pilote de Formule 1 encaisse une force g équivalente à celle subie par l’astronaute d’une capsule Apollo au moment de sa rentrée dans l’atmosphère terrestre. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres des problématiques rencontrées par les ingénieurs de F1, enjeux peu éloignés de ceux que doivent résoudre les concepteurs d’engins spatiaux.
À l’instar de l’aérospatiale, les technologies innovantes issues du développement d’un véhicule qui doit se montrer performant en étant soumis à des contraintes extrêmes (dans le cas de la F1, pour arracher quelques fractions de seconde) peuvent inspirer et influencer d’autres domaines voire même bénéficier à la société civile.
Cela a été le cas tout au long de l’histoire de la compétition, tant en ce qui concerne la sécurité routière que les performances des voitures particulières. Parmi les innovations de la F1 transférées aux véhicules de série, on peut citer les groupes motopropulseurs hybrides, les suspensions adaptatives et même les boutons de commande sur le volant. Est-ce aussi le cas des solutions réduisant les émissions de CO2 des voitures ?
Le moteur hybride le plus performant
En fait, le moteur hybride actuellement utilisé en F1 est déjà le plus performant au monde : il développe plus de puissance tout en consommant moins de carburant et donc en émettant moins de CO2 que toute autre voiture. Pour la Scuderia Ferrari, l’écurie de course la plus titrée de l’histoire de la F1, le transfert de technologies moins polluantes du circuit à la route est une réalité depuis de nombreuses années : « Stimulés par l’intensité de la compétition, nous développons des technologies plus durables qui peuvent trouver une application concrète sur nos automobiles de série, explique Laurent Mekies, directeur de course de la Scuderia Ferrari. L’électrification en est un très bon exemple. »
La durabilité est devenue un autre paramètre, un autre objectif.
Marco Civinelli, responsable de la conception mécanique et opérationnelle des châssis à la Scuderia Ferrari.
« Nous avons adopté un moteur partiellement électrique en F1 dès 2009. Peu de temps après, Ferrari a mis en place cette technologie sur ses voitures de route, la première étant La Ferrari. Il existe aujourd’hui toute une gamme de modèles hybrides. Nous en proposons quatre actuellement, et il va de soi que l’on ne va pas s’arrêter là. Nous sommes conscients de notre responsabilité et nous voulons être un catalyseur du changement par des actions mesurables. »
« Après avoir présenté notre programme de transition vers la neutralité carbone à l’horizon 2030, nous joignons le geste à la parole. Nous avons déjà mis en place un certain nombre de mesures clés et nous nous sommes engagés à fixer des objectifs scientifiques conformes à la trajectoire des 1,5 °C », souligne Laurent Mekies, en faisant référence à l’Accord de Paris qui appelle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique.
Changement de mentalité pour les ingénieurs
Le directeur de course appelle la F1 un « laboratoire d’innovation » où certaines solutions techniques développées pour les circuits présentent un fort potentiel de transfert aux voitures de série.
« Performance et fiabilité restent deux cibles principales, assure Marco Civinelli, responsable de la conception mécanique et opérationnelle des châssis à la Scuderia Ferrari. C’est un changement de mentalité total pour les ingénieurs et les concepteurs : la durabilité est devenue un autre paramètre, un autre objectif. Pour l’atteindre, nous devons concevoir des composants plus légers et plus performants que la solution actuellement en place. »
Alléger une monoplace en restant dans les limites de la réglementation stricte de la F1 (en 2023, le véhicule doit peser au minimum 789 kg) peut accroître les performances tout en réduisant la consommation de carburant.
Ferrari et SKF, partenaires de longue date
SKF est partenaire technique de la Scuderia Ferrari depuis sa création. On trouve environ 300 roulements SKF entièrement personnalisés dans les monoplaces de 1 000 ch qui peuvent atteindre des pointes de 370 km/h. Ces roulements se trouvent dans la boîte de vitesses, la suspension, le groupe motopropulseur et les roues.
SKF collabore étroitement avec l’équipe de la Scuderia Ferrari dans le but de créer de nouvelles solutions toujours plus légères et performantes. « L’un des moyens est de concevoir des composants contribuant à réduire le frottement, indique Andrea Rifici, responsable grands comptes au sein de l’unité SKF Racing Unit. Par exemple, nous fournissons des roulements hybrides, c’est-à-dire des roulements munis de billes ou de rouleaux en céramique, et nous venons de mettre au point des aiguilles en céramique. »
SKF est le seul fabricant à proposer des aiguilles en céramique et non en acier pour la boîte de vitesses de la monoplace. À en croire les résultats du banc d’essai de la Scuderia Ferrari, les aiguilles en céramique peuvent accroître la puissance du moteur tout en réduisant le frottement de près de 70 %. Parmi les autres innovations SKF destinées à améliorer les performances figurent le recours aux composites et à la céramique, aux lubrifiants à base aqueuse, et l’optimisation de la géométrie interne des roulements.
Roulements céramiques hybrides pour voitures électriques
Confrontée à une plus forte sensibilisation à la protection de l’environnement et à une législation plus stricte en matière d’émissions, l’industrie automobile dans son ensemble est en pleine mutation. Les constructeurs du monde entier font tout pour alléger les véhicules et réduire les émissions. On peut déjà beaucoup faire au niveau des composants. Plusieurs modèles de voitures électriques embarquent déjà des roulements hybrides avec éléments roulants en céramique. Les véhicules rechargeables étant censés représenter 23 % des nouvelles immatriculations à travers le monde en 2025 (contre un peu moins de 10 % en 2021), le potentiel de réduction des émissions de CO2 est élevé.
« Les efforts de la Scuderia Ferrari en matière de réduction des émissions impliquent des défis majeurs que nous ne pouvons pas relever seuls, insiste Laurent Mekies. Il est essentiel de collaborer avec des partenaires partageant le même état d’esprit et les mêmes ambitions en matière de réduction des émissions de CO2. »
« Pour nous, c’est une excellente occasion de tester les solutions les plus innovantes et d’en tirer des enseignements, ajoute Andrea Rifici de SKF. Nous transférons ces connaissances à tous les autres secteurs où nous continuons à les développer. Certains roulements de la monoplace sont même utilisés pour les avions. Notre association de longue durée à la Formule 1 est une chance pour nous d’accélérer notre marche vers plus de durabilité. »