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Spécificités du montage des roulements sur arbre vertical

L'une des procédures de montage des roulements les plus courantes consiste à opter pour une position verticale et à utiliser la chaleur. Toutes méthodes confondues, on estime que pas moins d'un roulement sur six est susceptible de présenter des défaillances dues à un endommagement accidentel pendant le montage. Aussi courante soit-elle, la procédure de montage sur arbre vertical présente certains risques méconnus. Cet article traite des problèmes qui peuvent être rencontrés et des solutions pour y remédier.

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Comme pour d’autres composants, tels que les accouplements et les engrenages, le montage des roulements à chaud s’avère être une méthode très pratique. Rapide et économique, le chauffage par induction permet de maîtriser le chauffage, le montage et la dilatation des composants. La manipulation et le centrage de composants en position verticale sont relativement faciles, et la gravité contribue à les maintenir contre la face d’appui lors du refroidissement et de la rétraction.

Le montage doit toutefois être réalisé rapidement après le chauffage afin d’éviter la baisse de température qui pourrait se traduire par un blocage du composant dans la mauvaise position ou par d’autres dommages.

Figure 1. Montage sur arbre vertical.

Options relatives au chauffage et au montage

Il existe un certain nombre de méthodes possibles pour un montage à chaud. Les plus courantes incluent :

  • le montage d’un roulement chauffé sur une portée d’arbre à température ambiante ;
  • l’insertion d’un arbre à température ambiante dans un roulement chauffé ;
  • le montage d’un roulement à température ambiante dans un logement chauffé ;
  • le montage d’un logement chauffé sur un roulement déjà monté sur une portée d’arbre à température ambiante.

Cependant, lors d’un montage vertical, les roulements se comportent différemment des autres composants. Quelle que soit la méthode choisie, le jeu dans le roulement augmente puis diminue lors des différents cycles de chauffage et refroidissement. Il existe une relation entre le jeu axial (Da) et le jeu radial (Dr) qui est régie par l’angle de contact. Dans les roulements à deux rangées, cette relation est donnée par l’équation suivante :

a = 2.3 x Yo x ∆ r (∆ a correspond généralement à 5 – 15 fois le jeu radial).

Par conséquent, une légère variation du jeu radial se traduit par une variation importante du jeu axial.

Fig. 2. Il existe un lien entre le jeu radial et le jeu axial dans les roulements.
Un roulement monté sur un arbre vertical est donc soumis à un mouvement axial en cas de variation du jeu radial. Ce phénomène peut être démontré (Figure 3) en considérant d’abord un roulement chaud (représenté en rouge). Les deux bagues sont à la même température et le roulement présente un jeu léger. Le roulement est supporté sur la bague extérieure. La bague intérieure se déplace donc légèrement vers le bas. Lorsqu’un arbre à température ambiante est inséré et mis au contact de la bague intérieure, la température de celle-ci chute sous l’effet de la plus faible température de l’arbre, comme indiqué en gris (Figure 4). La bague intérieure se rétracte rapidement, ce qui augmente le jeu du roulement. La bague intérieure se déplace alors de façon plus importante vers le bas du fait de l’augmentation du jeu axial.
Fig. 3. Sur un arbre vertical, la variation du jeu radial entraîne un déplacement axial.
Fig. 4. Léger déplacement vers le bas de la bague intérieure.
Enfin, la bague extérieure se refroidit naturellement et atteint la température ambiante (Figure 5), autrement dit la même température que la bague intérieure. Cela se traduit par une réduction du jeu du roulement. Cette réduction du jeu contraint alors la bague intérieure à remonter vers le haut.
Fig. 5 . Quelques instants plus tard, la bague extérieure est également à température ambiante.
Bien que cela soit intéressant sur le plan théorique, quelles sont les implications pratiques ?

Tout d’abord, il est nécessaire de considérer les forces et mouvements qui s’exercent à l’intérieur du roulement (Figure 6).

Fig. 6 . Forces et mouvements à l'intérieur du roulement. Premier temps : la bague intérieure se déplace vers le bas.
Au départ, la bague intérieure se déplace vers le bas et la charge verticale (M x g) est reprise par la rangée inférieure du roulement. Il s’agit des charges des rouleaux (en rouge) et des charges liées au frottement (en noir).

L’angle de contact, α, et le nombre de rouleaux, Z, sont également à prendre en compte. D’après l’équation

nous voyons que le frottement réduit la charge des rouleaux.

Cependant, dans un second temps, lorsque la bague intérieure se déplace vers le haut, la charge verticale (M x g) est reprise par la rangée inférieure. Le frottement s’inverse (Figure 7) et l’équation applicable est alors

Si sin(α) = µ x cos(α), le mouvement vers le haut génère des charges très importantes sur les rouleaux, avec, comme conséquence pratique, un risque d’autoblocage ou d’usure adhésive.

Fig. 7. Deuxième temps : la bague intérieure se déplace vers le haut.
Certaines combinaisons de coefficients de frottement et angles de contact peuvent conduire à un autoblocage (Figure 8). D’après cette figure, il y a risque d’autoblocage lorsque les angles de contact sont compris entre 4 et 15 degrés et que le coefficient de frottement est compris entre 0,05 et 0,4. Un autoblocage peut entraîner une déformation plastique se traduisant par du bruit, des vibrations et un écaillage précoce.
Fig. 8. Combinaisons de frottement et angle de contact entraînant un autoblocage.
De plus, en dehors de la zone d’autoblocage, une usure adhésive peut se produire dans une autre zone (Figure 9). Dans ce cas, le frottement est suffisant pour arrêter le mouvement initial, mais pas pour résister au mouvement à une charge plus élevée. À mesure que des forces de contact importantes se développent, le rouleau finit par se déplacer axialement. Dans ce scénario, les dommages pouvant découler de ce déplacement axial sous une force de contact élevée sont un polissage ou, dans le pire des cas, une usure adhésive.
Fig. 9. Combinaisons de frottement et angle de contact susceptibles d'entraîner un quasi autoblocage.

Implications pratiques

Cela met en lumière deux implications potentiellement néfastes de l’autoblocage et du « quasi autoblocage » couramment rencontrées sur les machines, mais rarement imputées aux procédures de montage. La Figure 10 illustre certains dommages parmi les plus courants subis par les roulements.

Dans le cas de l’arbre principal d’une éolienne, qui est posé au sol en position verticale, le roulement est chauffé et monté par le dessus. La bague intérieure du roulement repose alors sur une surface d’appui et le roulement refroidit pendant que le logement est chauffé. Le logement chauffé est ensuite monté par le dessus et repose sur la bague extérieure.

Des mesures sont effectuées lors de la première heure d’égalisation thermique (Figure 11).

Fig. 11. Arbre principal d'éolienne reposant au sol.
Ce diagramme montre trois zones différentes. La Zone 1 correspond à l’installation du logement chauffé sur la bague extérieure. La bague extérieure avec le logement se déplace vers le bas sous l’effet de la charge, qui entraîne un déplacement axial. Dans la Zone 2, le palier chauffé réchauffe la bague extérieure qui se dilate. Le jeu augmente. Dans cette zone, la bague extérieure avec le logement s’abaisse pendant tout le temps où sa température augmente. Dans la Zone 3, la température de la bague extérieure cesse d’augmenter et, comme le logement continue de refroidir, le jeu se réduit et la bague extérieure se déplace vers le haut. La séquence de mouvement en début de Zone 3 présente un exemple d’effet de broutage (indiqué par des cercles rouges). L’inspection réalisée à l’issue du montage a révélé clairement un polissage de la surface (Figure 12).
Dans un second cas, des mesures ont été prises sur les bagues dans une application de réducteur industriel dans lequel l’arbre et les engrenages sont montés verticalement. En premier lieu, le roulement est installé dans le logement et une entretoise est positionnée sur la bague intérieure. Ensuite, un engrenage chauffé est installé au-dessus de l’ensemble entretoise / bague intérieure. Pour finir, un arbre refroidi est inséré à travers l’engrenage et la bague intérieure. On mesure alors le déplacement axial. Compte tenu de la conception monobloc, le carter est tourné sur le côté (Figure 13).
Fig. 13. Conception monobloc avec le carter tourné sur le côté.
Dans ce cas, le montage s’est effectué en deux temps. Dans un premier temps, le carter à température ambiante est installé sur un support de montage et le roulement, également à température ambiante, est introduit par le côté dans le carter, puis positionné vers le bas. La bague extérieure du roulement repose dans le carter et une entretoise à température ambiante est installée au-dessus de la bague intérieure. Dans un second temps, tandis que le carter à température ambiante avec le roulement monté se trouve toujours sur le support de montage, un engrenage chauffé est introduit par le côté dans le carter, puis positionné vers le bas. L’engrenage repose maintenant sur l’entretoise, qui repose elle-même sur la bague intérieure. Ensuite, un arbre très froid est introduit par le dessus au travers de l’engrenage, l’entretoise et la bague intérieure.

Des mesures ont été effectuées lors de la première heure et demie d’égalisation thermique. Pour faciliter ces mesures, un palier factice a été utilisé (Figure 14).

Fig. 15. Mesures des mouvements pendant le refroidissement.
Une fois encore, on distingue trois zones. Dans la Zone 1, la bague intérieure est refroidie par l’arbre très froid. Le jeu augmente. La bague intérieure avec l’arbre et l’engrenage effectue un déplacement axial vers le bas. Dans la Zone 2, l’engrenage chaud a réchauffé l’arbre qui réchauffe à son tour la bague intérieure. La bague intérieure se dilate. Le jeu diminue. La bague intérieure avec l’arbre et l’engrenage effectue un déplacement vers le haut. La Zone 3 indique que le mouvement réel entre les rouleaux et le chemin de roulement semble avoir cessé. Ces mesures mettent en lumière deux moments de broutage potentiels (indiqués par des cercles rouges).

L’aspect de la piste la plus basse de la bague intérieure du roulement a été étudié après démontage de ce dernier. Il présentait de fines marques orientées axialement.

Toutefois, les contacts avec les rouleaux n’avaient pas tous laissé de telles marques. L’observation au microscope de ces fines marques orientées axialement a révélé qu’il s’agissait en partie de marques d’usure adhésive.

Ce dommage est appelé à progresser du fait du mouvement de roulement et à évoluer vers une fatigue de surface / usure.

Pour éviter les dommages induits par le montage, trois précautions s’imposent. Tout d’abord, il est essentiel de réduire voire éliminer la charge du roulement lors de l’opération. Il convient donc logiquement d’éviter un montage à la verticale et / ou de contrer la gravité. Si cela n’est pas possible, réalisez le montage verticalement, mais basculez ensuite à l’horizontale pour réduire la charge axiale pendant le refroidissement. Essayez de réduire le frottement en tournant et empêchez le mouvement par un centrage axial lors du refroidissement. Surtout, une bonne connaissance des risques de dommages liés au montage contribue à les réduire.

SKF est un expert du montage des roulements et son application BearingAssist peut aider à remédier à certains problèmes de montage. SKF propose également des formations sur les bonnes pratiques à destination des monteurs et offre une assistance en matière d’examen de conception des machines et de procédures de montage des roulements pour tous types d’équipements.